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Le 16 février 2007, le a acquis sa première lumière. Ce télescope fonctionne
dans les longueurs d'onde de l'ordre du millimètre pour mesurer
à petite échelle angulaire les particularités du rayonnement de
fond cosmique (RFC). Il s'agit de la lumière résiduelle qui a été
émise par le Big Bang, quand l'Univers n'avait que 400 000 ans.
Ce télescope de 10 m a une hauteur de 22,8 m, une largeur de 10
m et pèse quelque 280 tonnes. Il a été assemblé à Kilgore, au Texas,
et ensuite démonté pour être expédié en Nouvelle-Zélande, à l'autre
extrémité de l'océan Pacifique, avant d'être transporté par avion
jusqu'au pôle Sud.
Un site exceptionnel
Les astronomes travaillent au pôle Sud pour profiter des excellentes
conditions de visibilité. Sur le spectre électromagnétique, le RFC
se situe entre le rayonnement thermique et les ondes radio. Ce type
de lumière est facilement absorbé par la vapeur d'eau présente dans
l'atmosphère et celle qui est émise par l'atmosphère. Le choix du
pôle Sud comme endroit pour utiliser l'instrument permet de réduire
au minimum cette interférence atmosphérique puisque le pôle est
un lieu à haute altitude (2 900 m). La mince atmosphère et le climat
extrêmement sec donnent l'assurance d'une faible quantité de vapeur
d'eau. L'instantané des débuts de l'Univers que le télescope permettra
d'obtenir apportera une mine de renseignements sur sa composition
et son évolution. Les responsables se réjouissent surtout à l'idée
de pouvoir quantifier le taux de croissance historique de l'Univers.
Energie sombre
Aujourd'hui, ce taux semble dominé par un mystérieux constituant
appelé 'énergie sombre' qui accélère l'expansion de l'Univers. Le
RFC sert d'éclairage de fond à tout l'Univers, à peu près comme
la lumière placée derrière l'écran dans un spectacle de marionnettes
d'ombres chinoises. Les plus gros objets unis par un lien gravitationnel
dans l'Univers, les amas de galaxies, déforment cette lumière d'une
manière mesurable, faisant ainsi une ombre (comme les marionnettes
mentionnées dans l'analogie) dans le rayonnement de fond à une longueur
d'onde de 2 mm. Ce phénomène a été nommé effet Sunyaev-Zeldovich.
C'est un excellent outil pour la cosmologie parce que la force du
signal ne dépend pas beaucoup du degré d'éloignement des amas de
galaxies. Cela signifie que nous pouvons voir les amas qui sont
le plus éloignés aussi facilement que ceux qui sont près de nous
- une caractéristique unique, propre à ce type d'observation. Les
amas qui sont observés et catalogués agiront comme des traceurs
ou particules d'essai qui peuvent servir à reconstituer l'histoire
de l'expansion (croissance) de l'Univers et fournir de l'information
sur la nature de l'énergie sombre.
Avancées technologies
La grande ouverture du miroir primaire de ce télescope donne à l'instrument
la plus petite résolution angulaire possible, ce qui permet à l'équipe
de mesurer avec précision des détails de l'ordre de la minute d'arc
de dimensions dans le fond de micro-ondes. En plus de donner une
excellente résolution angulaire, l'instrument permet de réaliser
des opérations d'une sensibilité hors du commun, grâce à trois nouvelles
technologies pour sa caméra de pointe.
La première technologie est celle des éléments détecteurs (fig.
2). Ces capteurs mesurent l'intensité du rayonnement incident (la
lumière), en absorbant complètement les photons et en permettant
à cette puissance incidente de réchauffer un petit film absorbeur
métallique. À la différence de la dernière génération d'instruments,
la température de l'absorbeur est mesurée avec un minuscule film
supraconducteur appelé capteur à transition supraconductrice (CTS).
Ces détecteurs CTS marquent une avance importante parce qu'ils peuvent
être fabriqués par un procédé lithographique en tant que groupes
monolithiques comportant 100 ou 1 000 détecteurs.
Le plan focal du télescope du pôle Sud renferme 960 détecteurs bolométriques,
alors que les autres instruments de mesure des longueurs d'ondes
de l'ordre du millimètre actuellement utilisés ont quelques douzaines
de détecteurs tout au plus. Ces détecteurs doivent être gardés froids,
à environ 0,25 K, pour réduire au minimum le bruit thermique qui
autrement obscurcirait le faible signal provenant du ciel. Le plus
facile moyen d'atteindre ces températures : d'abord prérefroidir
un réfrigérateur à absorption à cycle fermé à 4 K par évaporation
d'hélium liquide non réutilisable. C'est là une stratégie standard
qui a été utilisée pour la plupart des instruments. Le télescope
du pôle Sud utilise plutôt un réfrigérateur à tubes à pulsions mécaniques
pour atteindre une température de 4 K. L'application de cette technologie
a nécessité un programme de recherche spécial qui visait à réduire
le plus possible les parasites dus à la vibration des parties mobiles
de l'appareil de réfrigération.
La troisième avance technologique est le recours à un nouveau système
de multiplexage à supraconducteurs qui permet aux signaux de nombreux
bolomètres d'être encodés sur un seul faisceau de fils.
Ces avances font du télescope du pôle Sud un pionnier de la technologie
de pointe et ouvrent une nouvelle fenêtre scientifique sur l'Univers.
On a consacré une grande partie de l'été antarctique à l'installation
et à la mise en service du télescope du pôle Sud.
© Matt Dobbs (pour
le groupe chargé de linitiative South Pole Telescope
Collaboration)
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