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Pour la première fois depuis 2006, le réchauffement des températures des eaux de l'océan Pacifique au niveau de l'équateur a averti les scientifiques de l'arrivée d'El Niño, un phénomène climatique récurrent qui a des effets sur les conditions météorologiques, sur les océans et sur les ressources halieutiques dans le monde entier.
Le 9 juillet, des chercheurs de l'Administration nationale des études océanographiques et atmosphériques des États-Unis (NOAA) ont annoncé l'arrivée d'El Niño, ajoutant qu'ils s'attendaient à ce que ce phénomène continue à prendre de l'ampleur au cours des prochains mois et qu'il dure tout l'hiver 2009-2010.
Les scientifiques ont fait cette annonce sur la base d'observations effectuées au Centre national de prévisions météorologiques de la NOAA, qui indiquent une hausse d'au moins un degré Celsius, par rapport à la moyenne, de la température à la surface des eaux du Pacifique équatorial, à la fin de juin.
« Nous avons constaté que les températures devenaient de plus
en plus élevées au cours des derniers mois dans la moitié est
de l'océan Pacifique à l'équateur », a dit M. Gerry Bell, météorologue
principal pour la saison des cyclones à la .
« Au cours du mois de juin, les températures océaniques étaient
d'environ un ou deux degrés Fahrenheit (0,5 à 1 degré Celsius)
supérieurs à la moyenne. Ce niveau de températures élevées répond
à notre définition du début d'El Niño. »
L'océan et l'atmosphère
Le phénomène El Niño (petit garçon en espagnol) - ainsi nommé à la fin des années 1800 par des marins péruviens qui avaient été les premiers à remarquer l'apparition de ce courant particulier dans les eaux locales à la période de Noël - est une phase plus chaude que d'habitude du cycle irrégulier appelée l'oscillation australe El Niño ou ENSO (sigle d'El Niño et Southern Oscillation). La phase plus froide qui fait suite à El Niño est nommé La Niña, soit petite fille en espagnol.
Le phénomène El Niño et ses conséquences se produisent probablement depuis des millénaires, mais les premières preuves historiques dont on dispose à ce sujet datent de 1567-1568. A l'époque contemporaine, des phases d'El Niño plus marquées ont été enregistrées en 1972-1973, en 1982-1983 et en 1997-1998.
« Certains des modèles informatiques du phénomène actuel, a dit M. Bell, indiquent qu'il sera modéré tandis que d'autres prédisent qu'il sera très puissant. Il y a un bon nombre d'incertitudes en ce moment. Il est beaucoup trop tôt pour savoir ».
L'ENSO, a-t-il expliqué, implique à la fois les océans et l'atmosphère. « Lorsque nous parlons d'El Niño, nous ne parlons pas seulement des températures de l'océan. Il s'agit aussi des alizés qui sont alors plus faibles dans tout l'océan Pacifique au niveau des tropiques ainsi que des énormes variations des précipitations dans ces régions. »
Pour de nombreux pays du monde, l'arrivée de ce nouvel El Niño peut être bénéfique ou néfaste, selon sa force et ses conséquences sur les températures et les pluies dans la région.
Les effets d'El Niño
Les phénomènes ENSO, notamment ceux qui surviennent avec beaucoup de force, ont des effets sur presque tous les aspects de la vie humaine : nouveaux foyers de maladies, récoltes plus ou moins abondantes, inondations et sécheresses, changements du niveau de la demande énergétique, perturbations de la production hydroélectrique, de la pêche et de la migration animale, incendies de forêts et conséquences économiques pour les pays fragiles.
Le phénomène El Niño a des effets sur le climat dans le monde entier. Aux États-Unis, il déplace et pousse vers le Sud le courant hivernal et le courant-jet ; par conséquent, les orages qui arrivent d'habitude par les États du nord-ouest sur la côte pacifique, à savoir l'Oregon et le Washington, entrent dans l'atmosphère au-dessus du pays par la Californie et balaient sa partie méridionale jusqu'en Floride.
« En présence d'El Niño, les régions méridionales des États-Unis ont tendance à avoir plus d'orages et de pluies en hiver tandis que cette saison devient moins rigoureuse dans le nord du pays », a précisé M. Bell.
La survenance d'El Niño apporte des pluies bien utiles aux régions normalement sèches du sud-ouest du pays, ce qui fait que ses effets ne sont pas forcément néfastes. Et ce phénomène tend à augmenter les courants atmosphériques qui changent rapidement, ce qui les rend moins favorables à la formation de cyclones dans l'océan Atlantique.
Les effets d'El Niño sont les plus forts dans les zones tropicales, là où ce phénomène se manifeste en premier. Ces zones comprennent la majorité de l'Afrique, le sud de l'Inde, l'Asie australe, l'Indonésie, la Nouvelle-Guinée, le nord de l'Australie, le sud du Mexique, l'Amérique centrale et le nord de l'Amérique du Sud.
Une mauvaise période
L' (IRI),
qui est financé par la NOAA, relève de l'Institut de la Terre
à l'université Columbia de New York. Le 17 juillet, des climatologues
de l'IRI ont indiqué qu'à leur avis la probabilité de la survenance
d'El Niño était de 80 % cette année.
Selon le directeur des services de prévisions météorologiques en temps réel à l'IRI, M. Tony Branson, les pluies seront plus abondantes que d'habitude dans les pays de l'Afrique équatoriale de l'Est, notamment au Kénya et en Ouganda.
« Toutefois, a-t-il dit, dans la plupart des pays, en Afrique et ailleurs, les précipitations tendent à être moins importantes durant le phénomène El Niño, ce qui porte atteinte aux moyens d'existence de la population. Les problèmes de gestion des ressources hydriques, de l'eau potable, de l'irrigation, de la sécurité alimentaire et de la sécheresse signifient simplement que la plupart des gens traverseront une période difficile. »
Pendant El Niño, les quantités de pluie diminuent également en Indonésie, dans le nord-est de l'Australie et en Afrique australe. Dans l'est du Pacifique, les eaux plus chaudes peuvent entraver un phénomène dit « upwelling », c'est-à-dire la remontée d'eaux froides des profondeurs qui favorise un fort développement planctonique, lequel constitue une source de nourriture pour des bancs de poissons importants. En revanche, quand El Niño se manifeste, les poissons nagent à des profondeurs accrues pour trouver de la nourriture, et la pêche en pâtit.
© Cheryl Pellerin
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(14.02.09)
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