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C'est évident, 2006 aurait parfaitement pu être proclamée en Russie
Année de l'espace puisque c'est celle du 45e anniversaire du premier
vol spatial de l'homme et du 60e anniversaire de l'industrie spatiale
nationale.
D'autre part, la Russie a confirmé son leadership en matière de
lancement de satellites et en même temps, entrepris la réalisation
du plus ambitieux programme spatial de ces derniers temps, échelonné
sur toute une décennie et embrassant tous les volets de l'astronautique,
depuis les vols habités jusqu'aux sondes spatiales automatiques.
Dans le même temps, les déclarations antinomiques des responsables
de Roskosmos et des dirigeants de la corporation Energuia, le fleuron
de l'astronautique russe, incitent à poser la question posée par
le titre de cet article.
Nous estimons qu'il serait peu sérieux de s'interroger sur la question
de savoir si l'homme a besoin ou non de se rendre sur la Lune ou
de voler vers des planètes lointaines. Le pragmatisme n'a pas sa
place ici. Les supplications et les larmes des compagnes de nos
lointains ancêtres n'avaient pas empêché ceux-ci de se hasarder
sur les mers dans un premier temps pour gagner une île voisine,
découvrir un nouveau continent et ensuite... La soif de savoir est
intarissable et éternelle.
Cependant, le 11 avril, la veille de la Journée de l'Astronautique,
le patron de Roskosmos, Anatoli Perminov, a déclaré fort inopinément
que "la Russie ne possède pas de programme particulier d'étude et
d'exploration de la Lune étant donné que ce chemin nous l'avons
déjà parcouru voici trente ans, à l'époque où nous lancions l'un
après l'autre des engins spatiaux dont certains allaient même se
poser sur la Lune...". Il estime irrationnel de refaire le même
parcours mais en ajoutant quand même que la Russie est disposée
"à aider les partenaires chinois, Pékin envisageant d'envoyer des
taïkonautes sur la Lune vers 2017". "D'autre part, a ajouté Anatoli
Perminov, Roskosmos a officiellement été sollicité par la NASA pour
prendre part à la réalisation de projets américains".
Des idées intéressantes, semble-t-il, mais...
Premièrement, ce qui a été réalisé voici trente ans est une infime
partie de ce que nous souhaiterions savoir aujourd'hui sur l'astre
de la nuit. Deuxièmement, aussi ambitieux et étoffé le programme
chinois soit-il, les acquis de ce pays dans le domaine des vols
habités sont encore très loin du niveau que l'Union soviétique avait
atteint il y a trente ans. C'est la raison pour laquelle la participation
pleine et entière de la Russie au programme lunaire chinois serait
un pas en arrière.
En ce qui concerne les Américains, pour l'instant ils n'affichent
aucun projet de vol interplanétaire tant soit peu cohérent. En outre,
les dirigeants de la NASA ont récemment admis qu'à ce jour rien
n'avait encore été décidé quant à l'utilité de se rendre sur la
Lune.
Par conséquent, le seul domaine où les cosmonautes russes pourraient
faire oeuvre utile reste la Station spatiale internationale (ISS),
en tout cas sur le long terme.
En attendant, la corporation Energuia a des projets tout à fait
différents. A la mi-avril ses dirigeants ont exposé la conception
d'un programme de développement de l'astronautique habitée en Russie
pour les 25 années à venir.
Ce document prévoit qu'à la première étape le programme lunaire
habité sera réalisé au moyen de vaisseaux Soyouz, de lanceurs Soyouz-FG
et Proton ainsi que de boosters d'accélération du type DM. "Le segment
russe de l'ISS sera utilisé en qualité d'aire d'assemblage du système
spatial interorbital avant le vol de celui-ci vers la Lune. Cette
approche permettra dès les temps les plus proches d'envoyer des
missions sur la Lune", estime-t-on à Energuia.
La deuxième étape du programme lunaire prévoit la création d'un
système de transport lunaire réutilisable. Il comportera des vaisseaux
pilotés conçus sur la base du vaisseau Kliper et du véhicule de
transfert interorbital dotés de réacteurs à carburant liquide, destinés
à assurer la navette entre les stations habitées circumterrestre
et circumlunaire. Pour acheminer les frets de grandes dimensions
il est envisagé d'utiliser des véhicules de transfert dotés de réacteurs
électriques alimentés par des batteries solaires. Sur le même plan
on prévoit également la création d'une station orbitale lunaire
permanente qui fera office d'aérodrome pour les modules de descente
réutilisables.
La troisième étape sera celle de l'implantation sur la Lune de la
base permanente d'où débutera la mise en valeur industrielle du
satellite de la Terre.
Le programme martien est étroitement associé au lunaire
"En élaborant le système martien nous utilisons partiellement les
technologies mises au point au cours des décennies écoulées, notamment
les propulseurs électriques qui équipent déjà les satellites de
télécommunications. Des batteries solaires de grandes dimensions
ont été testées sur la station orbitale Mir", a déclaré le directeur
du groupe Energuia, Nikolaï Sevastianov.
Avec un stock substantiel de carburant (xenon) le nouveau système
martien acheminera les missions habitées jusqu'à la planète rouge,
a souligné le patron du groupe.
Cependant, Nikolaï Sevastianov a indiqué qu'il fallait aussi concevoir
et créer de nouveaux éléments comme le module qui se posera sur
le sol de Mars et que le programme de mise en valeur de cette planète
comporterait trois étapes: les tests du système pendant un vol vers
la Lune, le vol habité à destination de Mars mais sans descente
de l'équipage sur sa surface et, finalement, débarquement d'hommes
sur Mars. Jusqu'en 2010, ce sont des fusées Soyouz-FG" et Proton
qui placeront sur orbite les éléments du système. Ensuite on utilisera
des Soyouz-2 modernisées et les nouveaux lanceurs Angara.
Jusqu'en 2015, le "chantier" spatial sera desservi par des Soyouz
habités et des Progress de transport et au-delà par le véhicule
Kliper qui devrait alors être opérationnel.
La première mission vers Mars pourrait avoir lieu dans les années
2020-2030. Si ce programme est approuvé par Roskosmos, la question
de la place de la Russie dans l'Espace ne se posera plus.
© Andreï Kisliakov, RIA Novosti
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