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Pr. R. Raynal (Dr de l'université de Toulouse, ,
roger.raynal@wanadoo.fr)
Un problème d'image et de communication
On peut se poser plusieurs questions sur le développement futur
des programmes spatiaux européens. Pour ce qui est des vols habités,
la messe est dite: même si la capacité technique de les développer
est présente, le coût et la volonté manquent. Bien entendu, pour
un coût très inférieur, des sondes robotisées peuvent apprendre
bien plus. Le problème est d'identifier et d'assurer un maximum
de publicité aux explorations robotisées, faute de quoi le contribuable,
qui accepterai )à la rigueur de financer un astronaute européen
qui ferai un petit tour sur Mars avec des américains et des Japonais
(ou des Chinois...) n'acceptera pas de payer pour une photo occupant
3 s d'un JT (ce qui est le traitement actuel des confirmations
spatiales).
C’est là que l'ESA révèle une de ses failles : son absence de
volonté et de savoir-faire pour promouvoir, communiquer et créer
une dynamique spatiale. Comme le souligne l'article, à la création
de l'ESA le net n'existait pas, ni l'Europe. Ceci ne peut suffire
à expliquer et à excuser une culture bureaucratique qui aboutit
à ne pas communiquer les résultats des missions en cours. La comparaison
des sites de l'ESA et de la NASA est édifiante, et le rappel de
quelques erreurs passées illustre aussi ce manque de visibilité:
- l'assolissage d'Huygens n'a été couvert par aucun média, l'ESA
s'est permise de critiquer vertement les amateurs (talentueux)
qui ont eux-mêmes traité des images brutes pour en fournir des
vues exploitables et directement mises sur le net alors que, pour
l'ESA, il n'y avait aucune urgence à publier les résultats (sans
comprendre que l'absence d'urgence obère l'importance)
- en application de la conception endogamique de la circulation
de l'information, l'ESA, entièrement financée par les contribuables
européens, s'arroge un droit d'auteur sur toutes les images de
ses missions. Il est donc impossible de reproduire sur le net
de façon légale des images d'origine européenne (car rien, en
Europe, de similaire à l'UScode (Title 17, Chapter 1, Section
105 ) qui considère que les travaux d'une agence gouvernementale
appartiennent à ceux qui les ont financés, en simplifiant)
-L'ESA refuse aussi de communiquer des images de ses missions
aux organes de presse scientifique: "New scientist" l'avait signalé,
l'agence se révélant incapable de fournir simplement et rapidement
des images de ses missions martiennes... (More bang for our bucks
- New scientist 2477, 11/12/2004, 19)
- l'obtention d'images martiennes, pour de sombres raisons de
copyright, est difficile: rien à voir avec la transparence du
JPL et ses mises à jour quotidiennes.
- le suivi de nombreuses missions se révèle problématique : ainsi,
aucune information ne circule sur les résultats et les travaux
de missions lancées en fanfare comme Corot, par exemple.
- malgré des efforts ponctuels, rien n'est vraiment accompli pour
créer, pour les enseignants et professeurs par exemple, une vraie
prise en compte de l'espace et de l’aventure spatiale dans l'éducation
des jeunes.
Ce déficit de communication risque fort de limiter les capacités
de l'ESA à représenter une voie de développement spatial crédible,
car même si les capacités techniques existent le déficit de communication
sur les résultats désirés et obtenus ne pourra que brouiller la
visibilité des objectifs choisis, une fois les répartitions budgétaires
et les priorités définies.
Une des possibilités serait un abandon des vols habités an attendant
la mise au point de méthodes de propulsions bien plus efficaces:
en l'état actuel de la technologie et des budgets disponibles,
une mission de plus d'un an vers Mars, constamment repoussée,
est un maximum dont on ne sait s’il pourra être atteint. Des recherches
fondamentales sur la propulsion doivent être comptabilisées comme
faisant partie des vols habités.
D'autre part, plutôt que de refaire ce qui a déjà été accompli
par les USA, l'Europe pourrait définir des objectifs spécifiques
pour ses vols robotisés (un peu comme le fait la JAXA avec ses
missions vers les astéroïdes et la lune) par exemple des retours
d'échantillons (astéroïdes, comètes, atmosphères planétaires,
sol des satellites martiens, de Mercure, des satellites de Jupiter...),
des missions d'astrométrie ou de cosmologie (pourquoi pas une
sonde à très haute vélocité chargée d'étudier les anomalies gravitationnelles
révélées par les sondes voyager et pionner aux confins du système
solaire ?)
L'Europe spatiale ne deviendra intéressante pour les Européens
(et non, comme c'est le cas actuellement, pour les industriels,
ce qui est nécessaire, mais pas suffisant) que si elle apprend
à se vendre et se libère du carcan de la culture étatique qui
la bloque depuis sa création.
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