13.12.05 |
Titan
Grand résumé des découvertes scientifiques de Huygens |
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Titan présente de remarquables analogies avec la Terre du point
de vue météorologique et géologique. Les résultats scientifiques
de la sonde Huygens, qui s'est posée sur la surface de Titan en
janvier 2005, vont dans ce sens et montrent un monde intéressant,
tordent le cou à certaines hypothèses fascinantes.
La composition et le rôle de l'atmosphère de Titan sont mieux compris,
le cycle du méthane également. Mais la vie est peu probable sur
ce monde.
Atmosphère
L'atmosphère de Titan a toujours fasciné les scientifiques. Elle
présente de fortes similitudes avec des modèles théoriques d'atmosphères
terrestres pré-biotiques. Seul objet du Système Solaire, avec la
Terre, à posséder une atmosphère aussi riche en azote, Titan ouvre
en quelque sorte une fenêtre sur le passé de la Terre. Bien que
Huygens ait permis d'obtenir les premières mesures directe et in-situ
de l'atmosphère de Titan, nous ne devons pas oublier que la Terre
n'a jamais connu une période aussi froide que celle qui perdure
sur Titan. Enfin, son atmosphère primitive est très différente de
celle de Titan aujourd'hui. Le gaz dominant était le CO2, comme
sur Mars et Vénus, alors que sur Titan, c'est l'azote qui domine
suivi du méthane.
Mais, cela n'empêche pas d'éprouver les modèles terrestres que l'on
tient pour acquis face à ce que nous apprend l'étude de Titan. A
ne pas en douter, les scientifiques seront mieux à même de comprendre
un peu mieux de quoi était composée l'atmosphère primitive de la
Terre, son comportement mais surtout son évolution à mesure que
la vie s'installait sur Terre pour se développer.
Autre découverte significative, l'absence de gaz nobles et primordiaux.
Il s'agit d'un signe fort de l'évolution de l'atmosphère de Titan
dans le temps. Leur détection aurait signifié que cette atmosphère
était la même, en composition, de celle qui entourait alors la lune
récemment formée.
Reste qu'il se pourrait que l'atmosphère et la surface de Titan
recèlent de nombreuses substances proches de celles qui existaient
sur Terre, au tout début de sa formation. Titan contiendrait en
quelque sorte des résidus de la soupe primitive qui a donné naissance
aux premières briques du vivant. Cependant, le degré exact de la
complexité de la chimie à l'œuvre dans l'atmosphère n'est pas très
bien connu.
La problématique de la vie
Certains ont voulu voir en Titan un monde où la vie pouvait prendre
un chemin différent que celui qui a prévalu sur Terre. Aujourd'hui
nous savons que l'eau est l'élément fondamental pour que la vie
se développe quelque part dans le Système Solaire. Or, sur Titan,
il fait beaucoup trop froid pour qu'une quelconque forme de vie
se développe et perdure. De plus, l'eau y est rare. Huygens l'a
montré et confirmé, la vie telle que nous la concevons ne peut pas
exister à la surface de Titan ou enfouie dans son sous-sol.
Avec la présence en grande quantité de méthane, certains scientifiques
ont émis l'hypothèse fascinante selon laquelle la vie aurait pu
se développer à partir de méthane et non pas de l'eau. Les récentes
observations menées depuis la Terre ou les sondes Huygens et Cassini
annihilent cette idée de sorte que l'on peut dire que Titan n'est
pas favorable à une vie complexe bien qu'une certaine chimie soit
à l'œuvre et que l'on peut assimiler aux prémices d'une vie, du
moment qu'on se mette d'accord sur ce que l'on entend par 'vie'.
Reste que des composés organiques plus complexes restent à découvrir
sous forme gazeuse ou solide dans l'atmosphère de Titan et pourraient
se révéler être le chaînon manquant de l'évolution devenu introuvable
sur notre planète. Tout simplement parce que ces indices n'existent
plus depuis bien longtemps. Tous les indices de la vie primitive
terrestre au-delà de 3,5 - 3,8 milliards d'années, ont été effacés
par la tectonique des plaques et les convulsions multiples de la
croûte terrestre. Or, après une centaine d'années de spéculations
et d'expériences en tout genre, les scientifiques ne sont toujours
pas d'accord sur la façon dont la vie est apparue sur Terre. La
plupart supposent que des bactéries se sont formées au hasard des
combinaisons entre les composés carbonés baignant dans la soupe
originelle. Mais, toutes les études sur l'origine de la vie sont
entravées par notre ignorance des éléments chimiques présents sur
la Terre récemment formée.
On l'a vu, Titan est trop froid pour entretenir la vie. Cependant,
une équipe de scientifiques a utilisé l'instrument GCMS pour éliminer
l'hypothèse d'une source biologique pour expliquer la présence de
méthane sur Titan. GCMS identifie les différents constituants atmosphériques
par leur masse. Molécules et atomes sont soumis à une charge électrique
(ionisée) et sont séparés par leur différence de masse alors qu'ils
traversent un champ électrique dans un spectromètre de masse quadruple.
Le carbone composant les molécules de méthane se présente sous différents
isotopes : C12 et C13. Chaque atome de carbone d'isotope 13 comporte
un neutron supplémentaire, son noyau étant ainsi rendu légèrement
plus lourd que les atomes C12, permettant ainsi au GCMS de distinguer
aisément les deux variétés.
La matière organique marque une préférence pour l'isotope de carbone
12. En conséquence, les atomes de carbone qui entrent dans la composition
du méthane résultant du processus de vie terrestre s'avèrent enrichies
en C12. Le rapport de C12 à C13 est ainsi considéré comme un marqueur
ou une signature de la vie. Dans le cas de Titan, les mesures n'ont
pas montré d'enrichissement particulier en carbone 12 dans le méthane
de Titan.
Le méthane
Le méthane est une molécule composée de quatre atomes d'hydrogène
liés à un atome de carbone. Il s'agit du composant principal du
gaz naturel terrestre. Il peut être produit par l'activité du vivant
(le méthane étant un sous-produit du métabolisme biologique) ou
par des processus géologiques liés à l'activité volcanique.
Immanquablement, la présence de méthane sur un objet du Système
Solaire renforce l'intérêt de son étude car, sur Terre le méthane
est un formidable marqueur de l'activité biologique. Huygens a déterminé
que méthane est le second gaz le plus abondant sur Titan, jusqu'à
5 % du volume de l'atmosphère. Etonnamment, il semble jouer sur
Titan un rôle identique à celui que joue sur Terre le cycle de l'eau
de sorte que la météorologie titanesque apparaît similaire à celle
de la Terre.
La découverte de méthane sur Mars, Titan a relancé la possibilité
de voir ces deux objets du Système Solaire capables de favoriser
l'émergence d'une forme de vie. Si dans le cas de Mars, les résultats
de Mars Express et des autres missions ne sont pas suffisamment
significatifs pour expliquer l'origine de ce gaz mais au regard
des grandes quantités tendent éliminer une origine biologique, sur
Titan, les scientifiques sont bien plus catégoriques. Ils excluent
l'activité biologique et se disent convaincus que le méthane est
produit par un processus à l'œuvre sous la surface de Titan. Son
origine dans l'atmosphère reste mystérieuse parce qu'il s'agit d'un
processus de décomposition induit par le rayonnement solaire qui
survient dans les couches supérieures de l'atmosphère de Titan.
Bombardé de particules dans l'environnement de Saturne, exposé aux
rayons ultraviolets du Soleil, le méthane est converti en hydrocarbures
et en composés d'azote et de carbone, qui se condensent entre 300
et 200 km d'altitude pour former un brouillard orange de matériaux
organiques. Ces aérosols tombent finalement en pluie sur la surface,
où ils s'accumulent en une couche spongieuse probablement composée
de ces particules, de galets de glace d'eau et de méthane liquide.
Ce processus signifie que du méthane s'échappe constamment de l'atmosphère
de Titan et doit être remplacé, ce qui implique l'existence d'un
réservoir de méthane ou de carbone sous une forme primitive, probablement
sous la surface du satellite. Titan serait donc un monde actif !
Un processus similaire pourrait avoir produit une grande poche de
méthane sur la Terre, dont Titan serait un stade primitif, gelé
en l'état, de l'évolution. Si les grands réservoirs de Titan étaient
la seule source du méthane, moins de 100 millions d'années, soit
peu de temps après la formation de la Lune, aurait été nécessaire
au Soleil pour l'éradiquer. Or, plus de 4,5 milliards d'années après
la formation de Titan, le méthane perdure toujours.
L'instrument GCMS n'a pas seulement fonctionné pendant la phase
de descente de la sonde, il a également pris des mesures dès que
Huygens s'est posé et ce tout au long de la fenêtre de communication
entre Huygens et Cassini. Au contact du sol, Huygens a chauffé son
environnement et vaporisé une partie de la matière en contact avec
la structure de Huygens. Ainsi, après l'impact, GCMS a détecté une
augmentation de 40 % du nombre de molécules de méthane mesuré et
ce niveau est demeuré stable pendant environ 50 minutes après l'impact.
Ces mesures confirment l'existence de méthane liquide mélangé à
d'autres éléments.
Cette image en fausses
couleurs du sol de Titan tient compte des mesures de réflectivité
(spectre) de la surface de sorte que les scientifiques n'hésitent
pas à parler de couleurs proches de la réalité.
Chenaux et rivières
Titan présente de remarquables analogies avec la Terre du point
de vue météorologique et géologique. Certaines images font apparaître
un réseau complexe de chenaux de drainage étroits allant d'une zone
claire de plateaux vers des zones de plus basse altitude, plus lisses
et plus sombres. Ces chenaux se rejoignent pour former des systèmes
fluviaux qui se dirigent vers des lacs asséchés dans lesquels on
peut déceler des formes rappelant étrangement les îles et les hauts-fonds
de notre planète. Un des scénarios envisageables serait que Titan
pourrait subir par intermittence des pluies de méthane qui s'écouleraient
en formant des rivières et des lacs et qui lessiveraient par endroit
les poussières noires
Enfin, la seule image acquise par Huygens une fois au sol montre
ce qui semble être un lit "caillouteux" de rivière asséchée ayant
la consistance d'un sable mouillé. Une multitude de galets jonchent
ce lit de rivière. Ils apparaissent arrondis et sont constitués
de glace d'eau mélangés à du méthane. Leur forme arrondie indique
qu'ils ont été transportés par un liquide s'écoulant à grande vitesse.
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Vue en perspective de la région de Titan près de laquelle
s'est posée la sonde Huygens de l'Agence spatiale européenne,
le 14 janvier 2005. Elle montre clairement la frontière entre
les 'montagnes' lumineuses et les plaines qui apparaissent
sombres. Les couleurs sont utilisées pour déterminer l'altitude
des dispositifs. Les zones les plus basses sont en bleues
et le rouge montre les altitudes les plus élevées.
L'image couvre une région de 1 km par 3. Les détails mesurent
15 m par pixel et les points les plus hauts n'excèdent pas
150 mètres.
Cette vue en stéréo est une mosaïque des deux images en noir
et blanc acquises par Huygens pendant sa descente dans l'atmosphère
de Titan. L'image de gauche l'a été depuis une distance de
14,8 km d'altitude et celle de droite alors que la sonde se
situait à 6,7 km de la surface.
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Cette image en perspective montre les plaines situées à environ
3 km du site d'atterrissage de Huygens et survolées par la
sonde peu avant son atterrissage. Les zones les plus basses
sont en bleues et le rouge montre les altitudes les plus élevées.
Les arrêtes que l'on voit au centre de l'image sont hautes
d'environ 50 mètres. La scène couvre une région de 12,5 km
par 2,5 km. Les détails mesurent 14 m par pixel.
Les dispositifs topographiques que l'on aperçoit sur la partie
inférieure de l'image laissent à penser un phénomène d'érosion
ou d'écoulement par des fluides à la surface.
Cette vue en stéréo est une mosaïque des deux images en noir
et blanc acquises par Huygens pendant sa descente dans l'atmosphère
de Titan. L'image de gauche l'a été depuis une distance de
12,2 km d'altitude et celle de droite alors que la sonde se
situait à 6,9 km de la surface.
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Crédits
ESA / NASA / JPL / University of Arizona
/ USGS
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Note
GCMS (Gas Chromatograph and Mass Spectrometer)
Structure chimique de l'atmosphère de Titan
Appareil conçu pour identifier et mesurer divers constituants atmosphériques.
Il est également équipé d'échantillonneurs de gaz qui seront remplis
aux altitudes élevées afin d'être analysés un peu plus tard dans
la descente quand plus de temps sera disponible.
+ d'infos
Un scientifique français, le Dr R. Raynal, Dr de l'université de
Toulouse et spécialiste en exobiologie, tient à jour , un site web qui fait le point
sur les dernières avancées concernant. A noter, que ce site est
entièrement en français, ce qui est rare sur le web pour un site
à vocation scientifique et richement illustré.
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(flashespace)
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(01.12.05) (futura-sciences.com, 01.12.05)
(21.11.05)
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