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Un trou noir géant en train de se servir dans un cellier cosmique
garni d’étoiles, a été pris la main dans le sac grâce au satellite
« Galaxy Evolution Explorer » ().
Ce satellite, développé par la NASA en collaboration avec le CNES
et le , permet pour la première fois aux
astronomes d’observer toutes les étapes de l’absorption d’une étoile
par un trou noir, de la première à la dernière bouchée.
« Cet événement très rare et donc exceptionnel offre aux scientifiques
de précieuses informations en poste au Caltech et première auteure
de l’article scientifique publié le 10 décembre 2006 dans l’Astrophysical
Journal Letters.
Trous noirs
Les trous noirs sont des concentrations extrêmes de matière, dont
la gravité est si forte que même la lumière ne peut s’en échapper.
Les scientifiques pensent actuellement qu’un trou noir énorme, dit
« supermassif » réside au coeur de chaque galaxie, certains étant
jugés actifs, d’autres non et sont alors dits « dormants ». Les
trous noirs actifs accrètent de la matière environnante, la portent
à haute température, ce qui la rend très brillante, avant qu’elle
ne disparaisse à jamais dans le trou noir et devienne invisible
pour nous. Les trous noirs dormants, comme celui de notre galaxie,
la Voie Lactée, n’émettent pratiquement jamais le moindre flash
en temps ordinaire et sont donc difficiles à étudier, sauf dans
les très rares moments où ils ingèrent une étoile : un événement
tel que celui observé par le satellite GALEX ne se produit qu’une
fois tous les 10.000 ans dans une galaxie « normale »
« Pendant peut-être des milliers d’années, ce trou noir dont la
masse est évaluée à des dizaines de millions de fois la masse du
soleil est resté « dormant », invisible à nos instruments, au sein
d’une galaxie elliptique anonyme dans la constellation du Bouvier
située à 4 milliards d’années lumière de la Terre. Puis une étoile
imprudente s’est aventurée un peu trop près de ce monstre somnolent
et a été déchiquetée par la force de sa gravité », nous explique
S.Gezari.
L’étoile s’est d’abord aplatie et étirée lorsque les
effets de la gravité du trou noir ont commencé à se faire sentir,
un phénomène qui se produit tous les jours à moindre échelle pour
la Terre, quand la gravité de la Lune agite notre monde, faisant
monter et baisser le niveau des océans. Toutefois, le destin de
cette étoile est bien plus catastrophique : quand la gravité du
trou noir surpasse celle de l’étoile, les effets de marée la disloquent
- « L’étoile ne peut tout simplement plus rester assemblée et se
brise en morceaux », dit Suvi Gezari - puis certains morceaux vont
tourner en spirale autour du trou noir et y plonger générant un
sursaut brillant de lumière ultraviolette que GALEX a pu détecter
(voir figure ci-dessous).
En effet, GALEX, grâce à ses « yeux ultraviolets » au concept optique
très performant, a permis de saisir un sursaut ultraviolet dans
cette galaxie lointaine, puis de mesurer sa décroissance à mesure
de l’absorption des restes stellaires, permettant aux scientifiques
d’observer pour la première fois ce phénomène en direct, alors qu’il
avait été nécessaire d’attendre 10 ans après les faits pour obtenir
la confirmation de tels événements détectés sur trois trous noirs
dans les années 90.
« Nos observations sur la variation de lumière visible
effectuées pendant deux ans à de multiples longueurs d’onde dans
le cadre du Canada France Legacy Survey ont permis de suivre l’évolution
du phénomène et ont joué un rôle critique pour écarter d’autres
hypothèses exotiques qui auraient pu expliquer le sursaut d’émission
ultraviolette » nous indique Stéphane Basa, chercheur au LAM et
co-auteur de l’article.
En ce moment,
continue à surveiller périodiquement, depuis son orbite, la décroissance
de la lumière ultraviolette alors que le trou noir finit les dernières
miettes de son dîner stellaire. « Toutes ces observations nous aideront
à peser les trous noirs de l’Univers et à comprendre comment ils
s’alimentent et grossissent dans leurs galaxies au cours de l’évolution
de l’Univers », déclare Christopher Martin de Caltech, un des co-auteurs
de l’article et l’expérimentateur principal de GALEX et Suvi Gezari
ajoute, « maintenant que nous sommes sûrs que pouvons observer ces
événements dans l’ultraviolet, nous disposons d’un nouvel outil
pour étudier plus en profondeur ces mystérieux trous noirs ».
« En impliquant le LAM dans la préparation du programme
spatial GALEX, nous avions bon espoir qu’un programme panoramique
aussi large dans un nouveau domaine aurait un impact scientifique
bien au-delà de sa mission principale, l’étude de l’histoire de
la formation des étoiles dans l’Univers. Ce nouveau résultat qui
repose sur la capacité de GALEX à explorer le domaine temporel,
est le premier d’une série utilisant les mesures ultraviolettes
effectuées à différentes dates depuis trois ans sur plus de 30 millions
d’objets célestes », nous confie Bruno Milliard, co-auteur de l’article
et Directeur adjoint du LAM chargé du secteur spatial. «Et GALEX
sera maintenu en service jusqu’en 2010 … »
© (OAMP/ CNRS/ Université de Provence)
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