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En analysant le champ COSMOS, le plus grand champ de galaxies jamais
observé avec le télescope spatial Hubble, une équipe internationale
de scientifiques conduite par des chercheurs de l'Université de
Caltech (Etats-Unis) et comprenant des chercheurs de laboratoires
associés du CNRS et du CEA(1), a réalisé la première carte tridimensionnelle
de la matière noire dans l'Univers utilisant l'effet de lentille
gravitationnelle. Cette première historique semble confirmer les
théories standard de formation des grandes structures de l'Univers.
Pour les astronomes, cartographier la répartition de la masse dans
l'Univers à partir de sa composante lumineuse est un défi considérable
; un exercice aussi compliqué que de déterminer l'extension d'une
ville seulement à partir de clichés aériens pris de nuit. En effet,
la matière lumineuse (étoiles, galaxies, gaz ionisé) ne représente
seulement qu'un sixième de toute la matière dans l'Univers. Le reste
est invisible et composé notamment de cette mystérieuse matière
appelée la matière noire.
Une tâche complexe
Néanmoins, malgré la complexité de la tâche, une cartographie tridimensionnelle
de l'ensemble de la masse, lumineuse et matière noire, a pu être
réalisée pour la première fois dans le champ COSMOS. Une équipe
internationale d'astronomes a réalisé cet exploit en utilisant l'effet
de lentille gravitationnelle pour mesurer la distribution à grande
échelle de la matière. Cette nouvelle carte apporte un gain d'information
comparable à ce qu'apportent des clichés d'une ville de jour plutôt
que de nuit pour en voir tous les moindres détails.
Un demi-million de galaxies lointaines
La carte de la matière noire a été construite en mesurant la forme
d'un demi-million de galaxies lointaines. Pour nous atteindre, leur
lumière a dû traverser des "champs" de matière noire et les faisceaux
de lumière ont été légèrement déformés. Ce phénomène est une conséquence
directe de la théorie de la relativité générale d'Albert Einstein
qui prédit que la présence importante de masse déforme localement
l'Espace-Temps. En conséquence, la trajectoire de particules passant
au voisinage de cette concentration de masse est déviée. Les photons,
particules associées au rayonnement électromagnétique, n'échappent
pas à cette règle. La déformation observée sur les formes des galaxies
a donc été employée pour reconstruire la distribution de la masse
intervenant le long de la ligne de visée.
Le champ COSMOS
Le champ COSMOS couvre une région du ciel grande comme neuf fois
la taille de la Lune (1,6 degré carré). Le sondage COSMOS réalisé
par Hubble comprend 575 images de la caméra ACS (Advanced Camera
for Surveys), correspondant à près de 1 000 heures d'observation.
Suite aux observations effectuées avec Hubble, de nombreuses observations
complémentaires avec des télescopes au sol (comme le Subaru, le
VLT et le CFHT) et dans l'espace (XMM-Newton) ont été réalisées.
En particulier, les images multicouleurs du Subaru et du CFHT, ainsi
que les milliers de spectres du VLT mesurés avec l'instrument VIMOS
ont permis d'estimer la distance des différentes structures permettant
ainsi de réaliser cette cartographie en 3 dimensions. Cette carte
tridimensionnelle démontre que la matière lumineuse, se concentre
le long des régions les plus denses de la matière noire. On peut
y identifier un réseau de filaments, se croisant là où se trouvent
les amas de galaxies. D'autre part, la cartographie couvre près
de la moitié de l'âge de l'Univers et permet donc de suivre l'évolution
de la distribution de la matière noire devenant de plus en plus
structurée au fil du temps.
"Cartographier la distribution de la matière noire dans l'espace
et le temps est fondamental pour comprendre comment les galaxies
se sont développées et regroupées au cours du temps . Les résultats
obtenus grâce au sondage COSMOS semblent conformes aux théories
standard de la formation des grandes structures de l'Univers." déclare
Jean Paul Kneib, chercheur CNRS au Laboratoire d'Astrophysique de
Marseille.
Prochaine étape
Le sondage COSMOS nous révèle ainsi une carte tridimensionnelle
de la matière noire dans l'Univers et va permettre de suivre pour
la première fois la relation entre la distribution de matière noire
et la formation et l'évolution des galaxies. Une telle cartographie
de l'Univers par effet de lentille gravitationnelle faible motive
d'ores et déjà de futures missions spatiales en cours de développement.
On peut donc imaginer que dans les prochaines décennies, c'est l'Univers
dans son ensemble qui pourra être cartographié, probablement de
manière plus détaillée encore, permettant peut-être ainsi de contraindre
l'existence et la nature de l'énergie noire, force insaisissable
qui accélérerait l'expansion de l'Univers.
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