29.07.05 |
La suspension
des vols de navettes, est-ce bien sérieux ? |
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Nous ne reviendrons pas sur les circonstances qui ont conduit les
responsables de la NASA à suspendre de façon temporaire les vols
de navette dès le retour de Discovery, car largement commentée avec
justesse par l'ensemble des médias.
Si cette décision s'inscrit toujours dans le traumatisme qui a suivi
la perte de Columbia, un aspect surprenant en est néanmoins sa rapidité.
Alors que l'inspection du bouclier thermique en vol au moyen de
caméras à haute résolution était en cours, que celle-ci n'avait
pas permis de découvrir la moindre brèche - on n'en découvrira d'ailleurs
pas - , le communiqué tombait : l'agence spatiale suspend à nouveau,
pour une période indéterminée, tous ses vols habités.
On pourrait se demander s'il n'y a pas tentative de 'duperie' du
public. Il est bon ici de rappeler que dès le premier vol d'une
navette en 1981, des débris de mousse isolante ou de glace se détachent
du gros réservoir ventral à chaque lancement et pendant toute la
phase d'ascension jusqu'à la mise en orbite. Ce fait, qui a soudain
l'air de surprendre les techniciens et responsables, était pourtant
parfaitement connu.
Les chiffres sont surprenants. Ainsi, aucune navette n'a subi moins
de 36 impacts au cours d'un vol, c'était Challenger le 6 avril 1984.
8 d'entre eux présentaient un dégât à la protection thermique de
plus de 25 mm. Le record est toujours détenu par Atlantis qui, le
2 décembre 1988, fut heurtée à 707 reprises, avec 298 "cicatrices"
sur le bouclier présentant un cratère de plus de 25 mm. Mais à cette
époque, aucune caméra ne montrait le revêtement durant l'ascension,
et si des débris étaient régulièrement retrouvés tout le long de
la trajectoire de survol, cela n'émouvait personne et le risque
était considéré comme négligeable.
Il faut aussi préciser qu'une navette perd en moyenne quelque 30
tuiles de protection thermique durant un vol. Ce fait est aussi
considéré comme normal, car toutes ne sont pas fixées de la même
manière. Ainsi, si l'arrachement des tuiles ventrales (noires) protégeant
une région critique où les plus hautes températures sont atteintes
peut provoquer une catastrophe, la perte de celles recouvrant entre
autres les portes de la soute ou les carénages moteur ne peut qu'aboutir
à des déformations structurelles dues à la chaleur, mais non conséquentes
pour l'équipage, et facilement réparables au sol. On se rappelle
encore des premières images montrant en gros plan des tuiles manquantes
sur la navette Columbia, diffusées en direct lors de son vol inaugural
le 12 avril 1981.
Et l'ascension terminée, ce n'est pas fini, ce ne sont plus les
débris du réservoir qui sont à craindre, mais bien tous les déchets
placés accidentellement en orbite et les micrométéorites. Ainsi,
plusieurs dizaines d'éléments de pare-brise de navettes ont dû être
remplacés suite à des impacts… Bref, le risque existe et il n'a
jamais été spécifié que la navette était un engin spatial fiable
à 100 pourcent.
Pour comprendre ce qui va suivre, il faut se rappeler que le Congrès
américain a décidé voici une dizaine de jours ne plus accorder de
crédits que pour un maximum de 15 vols de navettes. Mais l'achèvement
de la Station Spatiale Internationale réclamant encore près de 30
vols pour un achèvement conforme aux plans initiaux, cela impose
un choix des missions amenant à supprimer de nombreux éléments.
Or, la Nasa est liée contractuellement avec d'autres organisations
et s'est engagée à lancer divers modules européens, japonais et
russes. Si l'on considère le nombre de vols de navettes nécessaires,
augmenté de ceux destinés à aménager la Station en vue de recevoir
ces modules (installation de poutres, de panneaux solaires, etc.),
on s'aperçoit que les 15 missions restantes serviront tout juste
à desservir les projets "étrangers", au grand dam des Américains
eux-mêmes, qui se sont déjà vus amputer de leur module d'habitation
par restriction budgétaire.
Les Etats-Unis ne pouvant faillir à leurs engagements envers leurs
partenaires sans provoquer leur courroux et perdre la face aux yeux
du monde, l'arrêt du programme navettes pour une raison de sécurité
ne vient-il pas à point nommé pour une Nasa qui, ainsi, se sauve
la face ?
Il ne faut pas non plus perdre de vue que si le Président W. Bush
a invité l'Agence américaine à se lancer dans un vaste programme
d'exploration du Système Solaire, avec pour prélude un retour à
la Lune, aucun financement conséquent n'a été prévu, ce qui avait
amené certains observateurs à qualifier ce projet de "programme
rideau de fumée". Mais si l'arrêt des vols de navettes se confirme,
ce sont plus de 20 milliards de dollars économisés qui tombent dans
l'escarcelle du nouveau programme. Et soudain, on comprend tout…
Bien sûr, avec cette décision, ce sont encore d'autres projets qui
sont abandonnés, dont la dernière mission de réparation du télescope
spatial Hubble qui, après avoir un moment été envisagée, semble
maintenant condamnée.
Note
Il s'agit bien entendu une hypothèse qui n'engage que nous.
Toutefois, l'ESA est déjà montée au créneau, par l'intermédiaire
du Directeur général pour rappeler à la NASA que la navette est
le seul véhicule spatial capable de livrer le module européen Columbus
à la Station. Pour l'instant la Russie et la JAXA (Agence spatiale
du Japon) n'ont fait aucun commentaire, c'est d'autant plus surprenant
que le cas du Japon, la JAXA a besoin d'au moins 3 vols de navette
pour installer son laboratoire scientifique, sa palette extérieur
et son propre bras manipulateur.
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