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Comment la nature réagirait-elle si l'être humain disparaissait
soudainement ? En reprenant ses droits comme si de rien n'était,
répond un nouveau livre. Les tunnels des métros seraient submergés
en quelques jours, les routes et les gratte-ciel ne tiendraient
que quelques années.
Bien sûr, les environs des centrales nucléaires deviendraient radioactifs
à cause d'explosions à la Tchernobyl. Mais les traces visibles de
l'homme dureraient beaucoup moins longtemps que l'aventure de la
civilisation: moins d'un millénaire. Le souvenir le plus tenace
de l'homme serait une myriade de petits granules de plastique, qui
survivraient des centaines de milliers d'années.
Les gratte-ciel s'écrouleraient en quelques années, tout comme les
routes, puisque les anciennes rivières reprendraient leurs cours.
Les animaux domestiques ainsi que les fruits et légumes adaptés
à la culture disparaîtraient rapidement. Les réacteurs nucléaires
et les complexes pétrochimiques exploseraient, suscitant des mutations
importantes dans la faune et la flore des environs. Les grands mammifères
reviendraient sur tous les continents. Seule consolation: rats et
blattes péricliteraient parce qu'ils ne bénéficieraient plus de
nos ordures et de nos immeubles chauffés. Le legs le plus durable
de l'humanité ? Le plastique, qui resterait pendant des centaines
de milliers d'années.
Un professeur de journalisme de l'Université de l'Arizona, Paul
Weisman, vient de publier un livre expliquant comment la nature
reprendrait possession de la Terre si l'humain cessait subitement
d'exister. The World Without Us, publié en français sous le titre
Homo disparitus, présente une évaluation structurelle des villes
modernes tout en dénonçant l'impact de l'homme sur la nature. En
contrepoint, une interrogation plus substantielle: sera-t-il possible
de protéger nos descendants contre les périls des cavernes souterraines
où nous avons entreposé nos déchets nucléaires et nos gaz à effet
de serre?
L'aventure de M. Weisman a commencé en 2003, alors qu'il fuyait
des incendies de forêt au chalet d'un ami, dans l'État de New York.
«Une éditrice du magazine Discover a réussi à me joindre pour me
demander d'écrire un article sur la réaction de la nature à la disparition
soudaine de l'homme, explique-t-il en entrevue téléphonique. Elle
avait lu un article que j'avais écrit sur la faune qui avait envahi
Tchernobyl après l'évacuation due à la catastrophe nucléaire. Ça
lui avait donné l'idée d'une nouvelle manière d'aborder la dégradation
de la planète par l'homme. Rapidement, je me suis rendu compte que
peu de gens avaient abordé ce sujet. Curieusement, les deux essais
portaient sur Londres. J'ai compris qu'il fallait que j'écrive un
livre.»
Changements rapides
Les changements seraient rapides et inexorables. Les animaux domestiques
et les végétaux cultivés par l'homme disparaîtraient rapidement,
incapables de survivre sans notre aide. Les grands mammifères reconquerraient
tous les continents - Darwin estimait qu'il y avait 20 millions
d'éléphants en Afrique avant l'arrivée des Blancs, et il n'en reste
qu'un demi-million. Les villes seraient recouvertes par les forêts
en moins d'un quart de siècle, à cause des incendies et des infiltrations
d'eau. Les ponts dureraient un peu plus longtemps, particulièrement
ceux qui ont été construits avant la Deuxième Guerre mondiale, parce
que les techniques de capacité étaient rudimentaires et que les
ingénieurs préféraient multiplier les redondances structurelles.
Pour illustrer la rapidité avec laquelle la nature reprend ses droits,
M. Weisman donne l'exemple des dernières voies de métro surélevées
de New York, qui ont été abandonnées en 1980 et qui sont maintenant
couvertes de ronces. Il se rend aussi à Chypre, dans une station
balnéaire inaugurée juste avant le conflit de 1974 et qu'il était
impossible de restaurer dès la fin des années 70.
Le détail le plus frappant concerne toutefois les tunnels des métros,
qui seraient inondés après quelques jours à peine. À Montréal, une
centaine de pompes retirent des tunnels jusqu'à 12 millions de litres
d'eau par jour.
Une bataille rangée opposerait les plantes rustiques et étrangères.
«Pour ce qui est de la vigne, je pense que les espèces rustiques
l'emporteraient. Mais certaines espèces étrangères gagneraient certainement
aussi.» Une lutte sans merci aurait également lieu entre les moustiques
et les grenouilles, affaiblies par un champignon vorace apparu chez
les espèces de laboratoire.
Convictions écologistes
Au fil des pages, on sent les convictions écologistes de M. Weisman.
Ainsi, il se moque de notre impatience, qui nous pousse à construire
des maisons économiques avec du placoplâtre plutôt que des blocs
de pierre. Il évoque le «massacre» de centaines de millions d'oiseaux
qui meurent sur les tours de télécommunications et les fils électriques.
Il disserte longuement au sujet des méfaits du plastique. Il dénonce
un rapport de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) qui abaisse
le nombre de victimes de Tchernobyl, parce que l'Agence internationale
de l'énergie atomique y a collaboré. Et il lance une flèche aux
banques et à l'industrie de la construction, qui sous-estiment les
coûts d'entretien des maisons pour nous pousser à devenir propriétaires.
D'ailleurs, l'entreprise n'est pas innocente. Il termine son livre
en présentant le plan d'un démographe russe qui propose de limiter
la procréation à un enfant par femme pour diminuer la population
mondiale. «C'est vrai, j'ai la conviction profonde que nous courons
à notre perte, admet-il. J'ai écrit ce livre sans moralisme, pour
établir les faits. Mais à la fin, je pense que le lecteur est mûr
pour ma prescription. Je pense qu'il n'y a pas d'autre solution
que la décroissance démographique. Il vaut mieux abaisser nous-mêmes
notre population plutôt que de le laisser faire par des guerres,
des catastrophes environnementales et des épidémies.»
Pense-t-il réellement que la population mondiale accepterait de
n'avoir qu'un enfant par famille? A-t-il lui-même des enfants? «J'avais
un enfant mais il est mort, répond-il après un silence. J'aime les
grandes familles. Après ma femme, la personne que j'aime le plus
est ma soeur. Mais je crois qu'il y aurait bien assez d'enfants
en adoption et d'orphelins pour satisfaire les besoins de tout le
monde.»
Hara-Kiri
Plusieurs organismes, dont le Mouvement pour l'extinction volontaire
de l'humanité, affirment que la seule manière de sauver la Terre
est de se faire hara-kiri. Sur son site, vhemt.org, l'organisme
de l'Oregon affirme que la fin de la procréation est la seule manière
d'éviter les guerres entourant les ressources comme l'eau, qui iront
en s'aggravant. De plus, sans enfants, fini les parents qui perdent
tragiquement leurs enfants et la délinquance juvénile. Earth First,
une autre ONG plus combative, propose quant à elle l'utilisation
de «tous les instruments disponibles», jusqu'à la guérilla environnementale,
pour protéger les dernières régions sauvages de la planète.
Le compte à rebours de l'apocalypse
À l'Université d'Oxford, l'Institut pour l'avenir de l'humanité
calcule les risques d'une extinction catastrophique de la race humaine.
La dernière évaluation est d'une possibilité sur un milliard chaque
année. C'est-à-dire qu'il y a une possibilité sur 10 millions (davantage
qu'à la loterie) que l'humanité soit exterminée du jour au lendemain
dans les 100 prochaines années. Dernière en date parmi les causes
possibles de l'apocalypse: la nanotechnologie.
Controverse sur la mégafaune
Selon l'une des thèses les plus importantes sur lesquelles Paul
Weisman appuie son livre, l'homme est responsable de l'extinction
des grands mammifères d'Amérique survenue il y a 13 000 ans. Mais
d'autres paléontologues pensent que des virus ou des changements
climatiques ont pu causer cette extinction. «En effet, les causes
sont probablement multiples, concède M. Weisman. Mais il reste que,
chaque fois que l'homme est apparu sur un continent, les grands
mammifères se sont éteints peu après. En Amérique, on peut penser
que les glaciations ont poussé les grands mammifères vers de petits
refuges autour des fleuves, où les chasseurs ont pu facilement les
exterminer. Sans glaciation, pas d'extinction. Mais l'homme est
tout aussi indispensable.»
Le successeur de l'Homme
Si l'homme disparaissait, qui le remplacerait? Quel primate acquerrait
le premier la capacité du langage et maîtriserait l'agriculture?
Paul Weisman pense que les chimpanzés en seraient les plus susceptibles,
au fil de quelques millions d'années. «On parle souvent de l'intelligence
des singes bonobos, dit-il. C'est vrai qu'ils sont plus intelligents
que les chimpanzés. Mais ils sont aussi trop pacifiques. Leur nombre
périclite à cause de cela. Les chimpanzés sont plus agressifs, ils
prendraient probablement pied dans tous les écosystèmes d'Afrique
et finiraient par migrer ailleurs, dans des environnements plus
difficiles, où il devraient évoluer pour s'adapter.»
La revanche de la nature
Le sida est-il la revanche de la nature sur l'homme? Il est possible
que la raison de la vulnérabilité de l'homme devant ce virus, auquel
les chimpanzés ont résisté, se trouve dans les mutations génétiques
responsables de l'intelligence. Seulement 4% de notre code génétique
est différent de celui des singes les plus évolués, et là se trouve
la clé de l'énigme.
La nature sans l'Homme
Que se passerait-il si l'homme disparaissait du jour au lendemain?
Alain Weisman, professeur de journalisme à l'Université de l'Arizona,
a imaginé les étapes que suivrait la nature pour reprendre ses droits
sur la planète dans son livre The World Without Us, publié en français
sous le titre Homo disparitus.
Deux jours après la disparition de l'homme
Les métros de plusieurs villes, dont celui de Montréal et de New
York, sont inondés parce que les pompes qui vident les tunnels ne
fonctionnent plus.
Sept jours
Les réservoirs de carburant diesel d'urgence qui refroidissent les
réacteurs nucléaires sont épuisés. Les centrales explosent.
1 an
Les rues des villes nordiques, comme Montréal, sont couvertes de
nids-de-poule.
De deux à quatre ans
Les mauvaises herbes envahissent rues et trottoirs. Les racines
des arbres se dirigent vers les égouts, qu'elles briseront en seulement
quelques années.
Quatre ans
Les gratte-ciel commencent à s'écrouler en raison des infiltrations
d'eau qui ont affaibli leur structure métallique.
Cinq ans
Des incendies allumés par la foudre dans le bois mort des parcs
ravagent les villes.
20 ans
Les toits des maisons commencent à s'effondrer. Les plus résistantes
dureront un siècle.
25 ans
Les ruisseaux et marais ont regagné leur lit d'origine dans les
villes.
300 ans
Les ponts suspendus s'écroulent.
500 ans
Des forêts matures recouvrent les villes
600-700 ans
Les ponts à arches s'écroulent
5000 ans
Les capsules métalliques des bombes thermonucléaires sont fissurées
et laissent s'échapper le matériau radioactif.
35 000 ans
Les effets de la pollution par le plomb ne sont plus perceptibles.
100 000 ans
L'impact des gaz à effet de serre est devenu imperceptible.
250 000 ans
La radiation des infrastructures nucléaires est redevenue assez
faible pour se confondre avec la radiation naturelle.
Quelques milliers d'années
Les seules structures qui résistent encore sont le tunnel sous la
Manche et les sculptures représentant les présidents américains
sur lemont Rushmore. Les pyramides ont finalement succombé aux outrages
des ans parce qu'elles sont dénuées de leur protection de marbre
depuis les invasions arabes. Les bâtiments de pierre couverts de
marbre, dans les villes occidentales, ont survécu longtemps parce
que la pollution a cessé de les attaquer.
Quelques centaines de milliers d'années
Des microbes acquièrent la capacité de dégrader le plastique, la
dernière trace de l'homme.
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