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L'analyse des sédiments déposés depuis 55 millions d'années, prélevés
jusqu'à 430 m sous le plancher océanique en Arctique central durant
la mission ACEX montreraient que le climat s'y est refroidi de manière
synchrone avec l'expansion de glace au Groenland et à l'Est de l'Antarctique.
Cette mission a été conduite par le consortium européen ECORD administré
par l'-.
Deux laboratoires du CNRS sont impliqués dans l'analyse des échantillons.
Les résultats, publiés dans la revue Nature du jeudi 1er juin, suggèrent
que le refroidissement global aurait été contrôlé principalement
par les gaz à effet de serre.
L'océan Arctique
L'océan Arctique influence fortement le climat global, par la glace
de mer qui réfléchit fortement les rayons solaires et de par son
rôle dans la formation d'eaux profondes froides et denses actionnant
la circulation océanique globale. Mais son histoire n'est pas bien
connue durant l'ère Cénozoïque, jusqu'à -65 millions d'années, par
manque de mesures directes. Jusqu'à présent les meilleurs enregistrements
paléoocéanographiques au centre de l'Arctique couvraient seulement
la moitié du Pléistocène, de -500 000 ans à -200 000 ans. Ils avaient
été obtenus par des forages d'une dizaine de mètres dans le plancher
océanique.
Forer plus profond en Arctique constitue un défi technologique et
humain relevé, en été 2004, par la mission ACEX (Arctic Coring EXpedition),
dans le cadre du programme international de forages océaniques IODP
(International Ocean Drilling Program). Cette mission, qui a coûté
12,5 millions de dollars, a été conduite par le consortium de 17
partenaires européens
(European Consortium for Ocean Research Drilling), dont l'administrateur
est l'INSU (Institut National des Sciences de l'Univers) du CNRS.
Le foreur Vidar Viking
Dans un premier temps une étude des profils de réflexion sismique
a permis d'identifier une ligne sur la ride océanique de Lomonosov
où des couches sédimentaires datant de l'ère Cénozoïque recouvrent
la croûte continentale. L'opérateur scientifique de forage ESO (ECORD
Science Operator) a utilisé deux brise-glaces afin de permettre
le travail du foreur « Vidar Viking ». Neuf dixièmes de la surface
de la mer étaient constamment occupés par de la glace parfois épaisse
de deux à trois mètres, particulièrement dure et dense, suite à
son accumulation durant plusieurs années. Malgré ces conditions
difficiles, le Vidar Viking a pu être maintenu en position de forage
durant 9 jours, au lieu des 2 jours initialement programmés. Quatre
forages ont été effectués à différentes profondeurs allant jusqu'à
430 m sous le plancher de l'Océan Arctique, lui-même situé à 1 km
sous la surface de la banquise. La combinaison de ces forages représente
un enregistrement continu des sédiments déposés à l'ère du Cénozoïque.
Deux laboratoires du CNRS sont impliqués dans l'analyse des sédiments
obtenus
Le CEREGE (Centre Européen de Recherche et d'Enseignement des Géosciences
de l'Environnement), en collaboration avec l'Université de Rhode
Island (USA), a contribué à établir un modèle d'âge des sédiments
en fonction de la profondeur du forage. Pour ce faire, les inversions
de la polarité de l'aimantation des sédiments ont été comparées
à l'échelle de référence des inversions du champ magnétique de la
Terre. Le laboratoire EPOC (Environnement et Paléoenvironnements
océaniques) a participé avec l'USGS (United States Geological Survey)
à la caractérisation des microfaunes marines de la partie la plus
récente du forage (dernier million d'années).
Des plantes flottantes en Arctique
L'analyse des sédiments obtenus par ces forages montre que le pôle
Nord, aujourd'hui synonyme de glace et de froid, a connu un climat
subtropical il y a 55 millions d'années. L'océan Arctique était
vert et parsemé de plantes aquatiques flottantes en été. La température
de l'océan Arctique a approché les 23°C lors d'un maximum thermique.
Ces conditions sont caractéristiques d'un environnement où l'effet
de serre est prédominant. Le climat en Arctique central s'est refroidi
depuis le milieu de l'Eocène, avec l'apparition de glace de mer
et d'icebergs qui dominent aujourd'hui cet environnement glaciaire.
Ce refroidissement s'est effectué de manière synchrone avec l'expansion
de glace au Groenland et à l'Est de l'Antarctique, ce qui suggère
que la transition du climat de la Terre s'est effectuée de manière
bipolaire. Une telle transition bipolaire signifierait que le refroidissement
global aurait été contrôlé principalement par les gaz à effet de
serre plutôt que par les changements induits par la tectonique des
plaques.
© CNRS
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