|
Le transport spatial assure l'indépendance de l'accès à
l'espace de l'Europe. Cet accès repose sur l'utilisation
des lanceurs Ariane, Vega et Soyouz, une gamme de lanceurs
qui couvre l'ensemble des besoins du marché. Afin de consolider
cette indépendance et renforcer la position d'Arianespace
sur le marché des lancements commerciaux, l'Agence Spatiale
Européenne prépare la nouvelle génération de lanceurs pour
l'horizon 2020 / 2025 dans le cadre de
ou Programme Préparatoire des Lanceurs Futurs.
Ce programme, débuté en 2004 et prévu pour durer 9 ans doit
aboutir au développement d'une nouvelle génération de lanceurs
(NLG) capable de garantir à l'Europe son accès à l'espace
de manière fiable, indépendante et à des conditions compétitives.
Il a été divisé en 3 périodes. La première démarrée en 2004
s'est achevée en 2007. La seconde s'achèvera en 2012 (elle
est partagée en 2 étapes : 2006 / 2009 et 2009 / 2012).
Quant à la troisième et dernière période, elle devrait se
terminer en 2015 en amenant sur la table tous les éléments
techniques et programmatiques permettant de décider de lancer
l'étude préliminaire du concept du véhicule choisi.
Le scénario actuel de l'ESA est d'utiliser les lanceurs
actuels jusqu'en 2026, en prenant en compte certaines évolutions,
et de préparer la famille NGL (Next Generation Launcher)
qui pourra alors les remplacer. Initialement, l'ESA envisageait
que ce lanceur du futur soit partiellement, voire entièrement
réutilisable. Cette idée a rapidement été abandonnée. Le
choix d'un lanceur consommable s'est fait sur la base de
technologies disponibles et éprouvées ainsi qu'après une
évaluation globale intégrant les risques et les coûts.
Notre entretien avec Guy Pilchen, chef du Programme FLPP
à l'Agence Spatiale Européenne.
flashespace
Etes-vous satisfait de la Session du Conseil de l'ESA
au niveau ministériel qui s'est tenue en novembre 2008 ?
Guy Pilchen
Dans l'ensemble oui. Les ministres en charge des questions
spatiales des Etats membres de l'Agence ont accepté de financer
la poursuite du projet du démonstrateur IXV, ou véhicule
expérimental intermédiaire européen, qui utilise l'acquis
du projet Pre-X, jusqu'à la construction du modèle de vol.
Je vous rappelle que ce démonstrateur sera lancé par Vega
dans la deuxième partie de 2012.
flashespace
Où en est ce projet ?
Guy Pilchen
Actuellement, la revue de définition préliminaire (PDR System)
est en cours, elle ouvrira la voie, après la revue des différents
sous-systèmes, à la phase de conception détaillée du véhicule
et de ses sous-systèmes.
flashespace
Mais, revenons à la ministérielle
Guy Pilchen
On a également présenté la deuxième étape de la période
2 de FLPP qui couvrait un certain nombre d'activités sur
la préparation des lanceurs futurs ou plus globalement des
systèmes de transport spatial. Ces activités se placent
dans la continuité de ce que l'on fait aujourd'hui. Elles
se classent dans 3 lignes structurantes :
- études de concepts;
- développement de technologies ;
- démonstrateurs intégrés (IXV est typiquement un démonstrateur
intégré. C'est le seul pour lequel on a décidé du développement
du hardware pour aller en vol. Pour certaines technologies
liées aux étages supérieurs cryogéniques, une démonstration
en vol est également envisagée).
flashespace
Alors Vinci, officiellement lancé ?
Guy Pilchen
Oui, l'Ariane 5 capable de lancer 12 tonnes verra le jour.
Elle répondra aux besoins identifiés par Arianespace vers
2017. Sur la base de tout ce qui a été maturé dans le cadre
de FLPP il est prévu d'utiliser le moteur Vinci pour propulser
l'étage ECB d'Ariane 5. Les modèles thermiques et fonctionnels
ont été améliorés et corrélés et maintenant donnent une
bonne base de travail pour l'ECB. Avec plus de 4500 secondes
d'essais on sait où l'on va.
flashespace
Vous travaillez sur l'intégration du moteur sur l'étage
ECB ?
Guy Pilchen
Non, mais sur des technologies nécessaires pour des étages
cryotechniques réallumables telles que les protections thermiques,
les systèmes de gestion des ergols en microgravité avec
une application potentielle sur l'ECB.
Notez que cet étage est différent de l'ECA. Il sera plus
haut avec un même diamètre extérieur. Son moteur, le Vinci
donc, sera plus puissant que le moteur HM-7B du lanceur
Ariane 4 utilisé pour propulser l'étage supérieur ECA. Les
capacités d'emport d'ergols seront également plus grandes
et la performance sera évidemment accrue. On passe de 10
tonnes à 12 tonnes pour l'orbite de transfert géostationnaire.
flashespace
Sur la question de la propulsion principale que pouvez
nous dire ?
Guy Pilchen
Les études sur la propulsion des futurs lanceurs portent
sur de nombreuses options. Sur ces activités, qui sont également
structurantes pour FLPP, on a certes des activités au niveau
technologiques où l'on regarde les technologies de de combustion,
de turbo pompe ou encore les combinaisons d'ergols, en particulier
le LOX / méthane ainsi que les aspects cycles thermodynamiques
où l'on identifie l'intérêt de regarder les cycles fermés
également que l'on appelle la combustion étagée. Tous les
ergols sont utilisés pour la combustion et présente une
efficacité optimum vis-à-vis de la poussée.
flashespace
Pré-chambre, combustion étagée, cycle expandeur ?
Guy Pilchen
On appelle combustion étagée celle d'un moteur dont une
première chambre de combustion dite "pré-chambre" permet
d'obtenir des gaz chauds qui vont alimenter la turbine d'une
turbopompe qui sert à alimenter la chambre de combustion
principale. Puis les gaz d'échappement de cette turbine
sont eux-mêmes réinjectés dans la chambre principale (ils
sont "riches" en carburant). C'est ce que l'on appelle la
combustion "intégrée" Alors que dans la "combustion dérivée",
un générateur de gaz (également chambre de combustion) alimente
la turbine, mais les gaz d'échappement de la turbine ne
sont pas réinjectés dans la chambre de combustion donc ne
participent pas directement à la propulsion
Il existe un autre cycle de combustion intégrée: c'est le
cycle expander, celui de Vinci. Il n'y a pas de pré-burner,
il y a juste prélèvement de gaz de refroidissement de la
chambre à combustion principale et de la tuyère pour alimenter
les turbopompes, puis les gaz d'échappement sont réinjectés
dans la chambre
flashespace
Vous travaillez sur des moteurs consommables ou réutilisables
?
Guy Pilchen
Si pendant la première période de FLPP les études portaient
essentiellement sur la réutilisabilité, aujourd'hui on reste
sur cette ligne du consommable. Cependant, certaines technologies
peuvent être duales comme celles qui vont dans la réduction
de la masse. Néanmoins, l'accent est bel et bien mis sur
le consommables.
flashespace
Quel est le cahier de charge du lanceur du futur ?
Guy Pilchen
Dans le cadre de FLPP les besoins ont été identifiés pour
les années 2025. Les exigences prises en compte dans les
études systèmes s'appuient sur un lanceur en ligne capable
de lancer en lancement simple 5 tonnes, ce qui représente
l'essentiel des missions dites institutionnelles et jusqu'à
8 tonnes ce qui correspond au maximum des missions commerciales
que l'on peut avoir. En fonction de la date de mise en service
prévue, il faudra peut être ajuster ces performances.
Autrement dit, il s'agit d'un lanceur dit bi étage, comprenant
un étage principal, voire des propulseurs d'appoint et un
étage cryotechnique utilisé pour des lancements simples.
flashespace
On abandonne le lancement double ?
Guy Pilchen
Disons que nos études montrent que le lancement simple correspond
mieux aux besoins du marché pour les charges utiles institutionnelles,
il est donc pertinent de considérer aussi le lancement simple
lorsque l'on parle de NGL.
flashespace
Pas d'Ariane 6 ?
Guy Pilchen
Je comprends que les Français en particulier et les Européens
en général soient très attachés à Ariane qui a permis à
l'Europe de sécuriser son accès à l'espace et devenir le
lanceur de référence sur le marché des lancements commerciaux,
mais à l'instar de ce qui a été fait avec les lanceurs Ariane
2, 3 et 4, Vega offre aussi de réelles possibilités de développement.
Cela dit, Ariane 5 peut très bien évoluer au-delà de l'étage
ECB, par exemple avec une évolution de la propulsion du
composite inférieur..
flashespace
L'après NGL ?
Guy Pilchen
En fonction de la date de mise en service prévue, il faudra
peut être ajuster les performances. Dans nos études, on
cherche donc à avoir une flexibilité de façon à pourvoir
continuer à augmenter la performance, ou traiter des performances
intermédiaires en ayant un optimum en terme de configuration
du lanceur. Les boosters d'appoint à poudre donnent cette
flexibilité.
flashespace
Dites nous en plus sur la propulsion du futur
Guy Pilchen
On a évalué beaucoup de combinaisons d'ergols, le type de
combustion (générateur de gaz ou combustion étagée), aussi
bien pour l'étage inférieur que supérieur. On s'est concentré
sur un certain nombre de concepts. Il en résulte notamment
des concepts de propulsion liquide tout hydrogène (étage
1 et 2).
L'intérêt de ces concepts, c'est la flexibilité. Travailler
sur un lancement simple donne une certaine souplesse il
n'est plus nécessaire d'appairer les charges utiles. L'utilisation
de strap-on booster procure la souplesse pour adapter le
lanceur à la performance adéquate et pour étendre beaucoup
plus le niveau de performance.
Pour travailler sur la propulsion du futur, nous avons opté,
en plus du travail sur les technologies, de porter l'effort
sur l'intégration des technologies dans un démonstrateur
de moteur à combustion étagée, cycle pour lequel l'Europe
n'a pas d'expérience. Le but n'est pas d'être représentatif
complètement du moteur final (notamment la taille du démonstrateur
pourra être plus faible que la taille du moteur final visé),
mais de traiter la problématique système moteur pour réduire
les risques de développement et d'étudier certaines technologies
pour connaitre leurs vraies limites afin de pouvoir les
utiliser
flashespace
Ce futur lanceur, sera-t-il capable de lancer l'ATV ?
Guy Pilchen
Oui, nous travaillons sur cette hypothèse. Il faut que ce
lanceur soit capable de fournir un accès en LEO pour l'ATV
ou d'autres infrastructures orbitales de gros tonnage. En
d'autres termes, il faut considérer d'étendre beaucoup plus
le niveau de performances et donc garder une capacité pour
les charges utiles lourdes en orbite basse.
Dans cette optique, il existe des configurations de lanceurs
à 3 corps centraux.
flashespace
Et les vols habités ?
Guy Pilchen
Sujet passionnant mais ce n'est pas une des priorités de
FLPP. Cela dit on ne fait pas l'impasse dessus. Les études
que nous menons sur les systèmes ne s'appuient pas sur des
exigences de ce type. Cela peut bien évidemment être pris
en compte au fur et à mesure de l'état d'avancement des
travaux en cours. Il va de soit que si dans un avenir proche
l'ESA décide de travailler sur un système de transport spatial
habité, les exigences qui balisent nos études seront élargies
à ce domaine.
Dans le cadre de FLPP, ce qu'il est important de retenir,
c'est que l'on identifie les technologies critiques sur
les quelles il faut avancer et que l'on conçoit des démonstrateurs
qui intègre plusieurs technologies, allant parfois jusqu'à
les tester en vol. Nous pensons que c'est la meilleure façon
de préparer concrètement le futur.
Articles connexes
(17.06.09)
(16.06.09)
(16.06.09)
(21.06.09)
(03.02.09)
(08.01.09)
(25.11.08)
(16.04.08)
(30.05.08)
(18.01.08)
|