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Et si la première mission habitée au-delà de la Lune n'était pas
à destination de Mars. Cela peut faire sourire, mais si on se projette
à 50 ans, force est de constater que la planète Mars n'apparaît
pas comme la destination la plus pertinente pour l'humanité.
Bien que Mars se doive être une frontière franchie rapidement, les
astéroïdes proches de la Terre sont une destination bien plus pragmatique
dans le cadre d'un programme à long terme de colonisation du Système
Solaire.
Explications
D'un point de vue scientifique, il n'échappera à personne que l'étude
de la Lune, de Mars ou d'astéroïde (s) ne répondent pas aux mêmes
objectifs majeurs.
Comme expliqué dans notre article ,
la Lune conserve dans les cinq premiers mètres de son sous-sol toute
son histoire. De fait, cela peut nous aider à comprendre l'histoire
de la Terre et de l'apparition de la vie.
Quant aux astéroïdes et noyaux de comètes, ils sont les objets les
plus primitifs du Système Solaire. On suppose qu'ils conservent
les traces des processus physiques et chimiques qui ont eu lieu
lors des premières étapes de la création du Système Solaire. On
présume qu'ils ont grandement favorisé l'émergence de la vie sur
Terre pendant le Grand Bombardement, une période qui a duré plus
de 700 millions d'années après la formation du Soleil et où 14 millions
d'objets ont percuté la Terre et l'ont enrichie en différents matériaux.
Le cas de Mars
Mars, est une planète à part pour l'homme. Sa proximité à la Terre,
ses caractéristiques qui la rendent habitable et son histoire en
font un objectif fondamental pour la recherche scientifique et une
destination obligée des futurs explorateurs du Système Solaire.
De fait, il existe un programme international qui vise à mieux comprendre
cette planète au travers de tous ses paramètres (atmosphère, surface
et tout récemment sous-sol) de façon à retracer ainsi l'histoire
complexe de son évolution depuis sa formation. L'autre intérêt pour
les scientifiques est de faire de la planétologie comparée de façon
à chercher sur Mars des réponses à des problèmes qui affectent la
Terre.
Cette connaissance approfondie de Mars n'a pas d'autre but que de
réussir à la terraformer, c'est-à-dire la rendre habitable pour
l'homme. Cependant, bien que ce scénario soit théoriquement possible,
il n'est pas réalisable avant plusieurs siècles.
Notez que si la face cachée de la Lune est idéale pour installer
des observatoires, surtout radio astronomiques à l'abri des interférences
terrestres, l'installation d'instruments scientifiques sur Mars,
autres que ceux dédiés à son étude et celle de ses lunes, Phobos
et Deimos, ne présente aucun intérêt.
Mais après
L'exploration humaine du Système Solaire qui doit débuter en 2020
avec le retour de l'homme sur la Lune et l'envoi d'un premier équipage
autour ou sur Mars, vraisemblablement d'ici à 2030 visera dans un
premier temps à faire de la science ailleurs que sur la Terre et
éprouver quelques technologies novatrices nécessaires à la poursuite
de cette exploration. S'ensuivra la construction des premières installations
en dur nécessaires au support de cette colonisation.
Au début cette colonisation du Système Solaire se fera à fond perdu,
l'aspect économique et sociétal de cette exploration sera au centre
des décisions prises lors des étapes suivantes qui verront des hommes
partir pour des missions de plusieurs années avec la possibilité
pour certains de ne pas revenir sur Terre.
Mettons de côté les premières missions habitées qui répondront plus
à des considérations d'orgueil national, de savoir-faire pour nous
intéresser aux missions des années 2050 qui se devront d'être plus
pragmatiques dans leurs objectifs. Des projets de cette ampleur
se préparent bien en amont. S'il est trop tôt pour définir une feuille
de route, les chefs des agences spatiales sont bien conscients que
les retombées économiques devront être à la hauteur des investissements
consentis.
En 2050, cette conquête sera bien amorcée, irréversible sous peine
de voir l'humanité régresser et se replier sur elle-même. Une conquête
qui se voudra d'une importance et d'une durée sans limite. L'idée
que l'homme n'irait pas dans l'espace ou que ce n'est pas une priorité
est un faux problème puisque, de toute façon, c'est comme la découverte
des océans. C'était dangereux de traverser l'océan et de découvrir
l'Amérique. C'est sans doute dangereux d'aller dans l'espace puisque
ce n'est pas un milieu naturel pour l'homme, puisqu'on ne peut y
vivre comme sur terre.
L'envoi de l'homme dans l'espace devra répondre à des buts autres
que l'analyse de cailloux. Quand l'ESA ou la NASA placent un télescope
en orbite, on peut être certains que ces données fourniront du travail
à des centaines de chercheurs pendant au moins 2 décennies et occuperont
d'autres corps de métiers. De fait, même si les retombées économiques
ne sont pas à la hauteur de l'investissement initial, les retombées
en termes de savoir et d'avancées technologiques avec à la clé le
dépôt de brevets ne sont pas négligeables.
Dans un premier temps, une feuille de route devra mener à l'installation
de bases martiennes en dur et de postes avancés sur quelques astéroïdes
proches de la Terre dont les orbites les rapprochent suffisamment
de la Terre à intervalles réguliers de façon de les rejoindre en
quelques mois.
Ces deux destinations prépareront la prochaine étape de la colonisation
du Système Solaire et répondront alors à des objectifs diamétralement
opposés de sorte que l'on assistera à une nouvelle vision de l'exploration
humaine du Système Solaire bien loin que celle qui nous anime aujourd'hui.
On parlera alors de choix de société à l'échelle d'un pays, voire
d'un ensemble de pays.
Le commerce, moteur de l'exploration humaine du Système Solaire
Aujourd'hui, la recherche scientifique et dans une moindre mesure
les avancées technologiques sont les piliers de l'expansion humaine
hors de la Terre.
Mais plus tard, le commerce sera un des moteurs de cette expansion.
L'histoire de l'humanité nous apprend que l'homme moderne n'a jamais
cessé de vouloir commercer avec ses semblables nécessitant d'ouvrir
de nouvelles routes commerciales. Tous nos lointains explorateurs
n'avaient pas d'autre but que de tracer de nouvelles routes commerciales.
Il en sera de même pour le futur de l'humanité.
Le meilleur exemple est là, à côté de nous : la fonte des glaces
dans l'Arctique. Aujourd'hui, le réchauffement climatique de la
Terre affecte de nombreuses régions du globe avec des conséquences
écologiques et environnementales indéniables mais stratégiques également
!
Les glaces de l'océan Arctique marquent un retrait réel depuis une
dizaine d'années, que ce soit dans l'archipel canadien ou au nord
de la Sibérie russe. Une certaine incertitude demeure sur la pérennité
du phénomène et sur sa vitesse réelle. Mais les scientifiques sont
maintenant globalement d'accord sur ce point : avec les changements
climatiques, la banquise permanente de l'océan Arctique, du moins
dans le secteur de l'archipel canadien, devrait disparaître d'ici
vingt ans environ. Seule subsisterait une banquise d'hiver, dont
l'étendue et le calendrier demeurent encore inconnus. Les climatologues
prévoient que l'océan Arctique pourrait être libre de glaces durant
l'été d'ici 2050.
Cette nouvelle donne climatique entraîne d'importantes répercussions
au niveau du Passage du Nord-Ouest, notamment en regard de la navigation
commerciale. Si les glaces disparaissent au cours des prochaines
années, cette route maritime deviendra praticable et permettra de
réduire de façon considérable la distance entre l'Europe et l'Asie
par rapport au trajet du canal de Panama, avec une réduction majeure
des coûts associés au transport maritime.
Rien ne justifie une installation humaine sur Mars
Autrement dit, d'un point de vue économique, rien ne justifie une
installation humaine sur Mars. Les ressources naturelles de cette
planète ne seront d'aucune utilité aux Terriens. La colonisation
de Mars répondra alors à d'autres objectifs suivant l'exemple de
ce que nous a appris l'histoire de l'humanité.
Une fois l'homme établi sur Mars, de petites colonies prendront
possession de la planète rouge. A l'instar de ce qu'a connu l'homme,
un virage se dessinera de sorte que les relations avec la Terre
s'éteindront progressivement. La colonie qui comptera plusieurs
milliers de membres aura bien mieux à faire que commercer avec la
Terre. Si certaines de ces colonies se développeront, s'adapteront
à leur environnement pour finalement s'affranchir du soutien fourni
par la Terre, d'autres disparaîtront.
L'histoire de l'humanité est pleine d'histoires de ce type de colonisation
de nouveaux territoires qui réussissent ou qui échouent. Par exemple,
les colons français qui se sont installés aux Canada ont réussi
à perdurer alors que ceux débarquant en Amérique du Sud ont été
laminés par le climat et les maladies.
Cependant, vivre ailleurs "comme sur Terre" est-il bien un but raisonnable
? Les colons venus d'Angleterre ou d'Ecosse ont-ils abordé les côtes
américaines pour y vivre comme en Angleterre ou en Ecosse ? N'était-ce
pas plutôt pour s'y installer et y vivre différemment, sinon mieux
? L'espérance d'une vie meilleure a, de tout temps, été le moteur
de toutes les migrations humaines, et cette notion de "meilleur"
peut très bien être représentée par la seule valeur ajoutée de nouveaux
territoires, de nouvelles conquêtes. Gageons que nous touchons là
du doigt la véritable motivation de la conquête de l'espace.
L'intérêt de se poser sur un astéroïde
L'exploitation des astéroïdes se justifie pleinement parce que leurs
sous-sols sont riches en matériaux rares et que leur exploitation
sera économiquement viable à long terme. Mieux encore, l'installation
de postes avancées permettra à une petite colonie d'explorer le
Système Solaire au gré de l'orbite de l'astéroïde. De fait, leur
exploitation commerciale est inéluctable, notamment des combustibles
destinés à l'industrie spatiale alors en pleine croissance.
Signalons que par le passé la NASA a mené un sondage infrarouge
d'un grand nombre d'astéroïdes proches de la Terre. Officiellement,
il s'agissait d'un programme purement scientifique. Mais, notez
que si l'on souhait découvrir des signes de l'activité d'une civilisation
extraterrestre, on ne se serait pas pris autrement. Cette approche
n'a pas été anodine. L'utilisation d'un astéroïde comme moyen de
transport pour se déplacer à travers le Système Solaire n'est pas
une si mauvaise idée. On connaît des astéroïdes dont les orbites
les amène régulièrement près de la Terre, Mars, la Ceinture d'astéroïdes
et/ou Jupiter.
Or à cette époque, il est vraisemblable que l'on saura capable de
modifier l'orbite des astéroïdes. De fait, il n'est pas utopique
de penser qu'un astéroïde sera utilisé comme moyen de transport
entre la Terre et Jupiter. L'objectif étant de dévier sa trajectoire
une seule fois, pour le rapprocher de la Terre et autoriser un transfert
de la colonie sur la planète.
Un autre aspect de la colonisation du Système Solaire
Cette expansion de l'humanité sera également rendue nécessaire par
la surpopulation terrestre. Cette colonisation de l'espace qui vise
à accéder à de nouveaux territoires ne sera pas une migration massive
mais, elle sera suppléée à la capacité de la planète Terre. Elle
visera à alléger de façon permanente la pression qui s'exerce sur
les ressources naturelles de la terre.
Plusieurs études de prospectives montrent que d'ici une centaine
( d'années ? ) environ 20.000 personnes vivront dans l'espace, hors
de la Terre. Certaine de ces personnes n'auront jamais mis pied
sur Terre.
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