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Pendant 10.000 ans, les humains, les plantes, les animaux et les
microbes de la planète Terre ont connu une période exceptionnellement
longue de stabilité climatique. Or cette période s'achève au fur
et à mesure que la montée du niveau des gaz à effet de serre, notamment
le gaz carbonique, perturbe les fragiles relations établies entre
ces formes de vies dans un environnement fiable.
Selon les membres du Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution
du climat (),
le réchauffement climatique est un fait indéniable, et la majorité
de ce phénomène, au cours des cinquante dernières années, est imputable
à des concentrations de gaz à effet de serre résultant probablement
de l'activité humaine.
Les preuves tangibles de changements s'accumulent : augmentation
de la température moyenne de l'air et de l'atmosphère, augmentation
de la température des océans, fonte des neiges, diminution de la
superficie et de l'épaisseur de la glace arctique, réduction des
calottes glaciaires et montée du niveau des mers.
Une planète différente
'Nous avons déjà dépassé le seuil dangereux de concentration
du gaz carbonique dans l'atmosphère', a déclaré James Hansen,
directeur de l'Institut Goddard d'études spatiales de la NASA à
New York, lors de la réunion annuelle de l'Institut américain des
sciences biologiques ()
sur le thème du climat, de l'environnement et des maladies infectieuses.
'Nous sommes déjà passés d'une concentration de gaz carbonique
dans l'atmosphère de 280 parties par million (ppm, par volume d'air)
à 385 ppm, et je pense que nous allons devoir la ramener à 350 ppm,
si ce n'est moins', a déclaré M. Hansen, célèbre pour la déposition
sur le changement climatique qu'il a faite en 1980 au Congrès et
qui a déclenché une prise de conscience internationale du phénomène
de réchauffement de la planète.
Au cours du siècle dernier, la température de la planète a augmenté
en moyenne de huit dixièmes de degré centigrade. Au-dessus des terres,
l'augmentation est de près de 1,4 degré, et les trois quarts du
phénomène de réchauffement ont eu lieu au cours des trente dernières
années.
Durant cette même période de 30 ans, a ajouté M. Hansen, les isogéothermes
- les lignes qui, sur une carte, marquent une température moyenne
donnée - se sont rapprochées des pôles à raison de 56 kilomètres
par décennie. Une telle augmentation des températures, ainsi que
les phénomènes d'urbanisation et de croissance démographique, déplacent
un large éventail d'animaux, de plantes et de microbes qui, s'ils
ne s'adaptent pas, sont voués à la disparition.
'En fait, a dit M. Hansen, au fur et à mesure que les isogéothermes
montent, nous sommes en train de bouter des espèces hors de la planète.'
Et si on laisse doubler ou tripler le niveau actuel de gaz carbonique,
'nous allons engendrer une planète complètement différente'.
Le climat et la grippe
Cet aspect du changement climatique présente également une menace
pour la santé publique : inondations, vagues de chaleur et sécheresses
provoquées par l'augmentation des températures, et perturbations
au niveau des relations entre les insectes vecteurs de maladies
et leurs hôtes.
'Les changements climatiques sont souvent l'agent de l'émergence
d'une infection', a affirmé Stephen Morse, professeur d'épidémiologie
à la Mailman School of Public Health de l'université Columbia lors
de la conférence de l'AIBS.
Les maladies infectieuses émergentes sont, selon M. Morse, qui a
inventé ce concept en 1989, des infections nouvelles qui affectent
une population ou des infections qui ont existé mais qui se propagent
rapidement sur le plan de l'incidence et de la zone géographique.
Des exemples de telles maladies sont le VIH/sida, le syndrome pulmonaire
à hantavirus et le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS).
Un village mondial
Les virus de la grippe, y compris ceux de la grippe aviaire, s'infiltrent
facilement au sein des populations humaines. Mais malgré leurs apparitions
régulières, on en sait si peu sur eux que les chercheurs ont du
mal à prédire comment le changement climatique risque d'affecter
la maladie. Les changements saisonniers sont l'une des inconnues.
'Dans les zones tempérées (comme aux États-Unis et en Europe),
nous considérons la grippe comme une maladie hivernale, a dit M.
Morse. Dans les zones tropicales, elle connaît deux pointes : en
hiver et en été.'
Dans les tropiques, la situation est un peu plus compliquée, et
certains affirment que la grippe y sévit toute l'année. Dans certaines
régions, il semble y avoir deux périodes de pointe, à savoir la
saison sèche et celle des pluies.
'Ce que nous considérons comme une maladie hivernale se porte
très bien dans des conditions chaudes et humides. Ce ne sont donc
pas le froid et la sécheresse de l'hiver qui facilitent la propagation
de la grippe. Il y a autre chose.' Un climat global plus chaud
pourrait modifier la nature des grippes saisonnières et affecter
la propagation de la maladie dans le monde.
En ce qui concerne la grippe aviaire, le réchauffement climatique
pourrait modifier les trajectoires des oiseaux migrateurs soupçonnés
d'infecter les oiseaux domestiques avec le virus H5N1 très pathogène.
De tels changements pourraient influencer les relations entre le
gibier d'eau et la volaille ainsi qu'entre les éleveurs et la volaille,
et avoir des répercussions sur l'exportation et l'importation de
volailles dans le monde entier.
'Nous vivons désormais dans un village mondial, et les microbes
en profitent pleinement, a dit M. Morse, comme nous l'avons vu dans
le cas du VIH et du SRAS.'
© Cheryl Pellerin (rédactrice
)
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