Home page Thales Alenia Space Techno-Science.netEuropean Space Agency
 

   
13.05.09 Nouveaux horizons pour le Centre Spatial de Liège
 


Jean-Marc Defise, Directeur Général du Centre spatial de Liège, précise dans cet entretien les atouts technologiques de cette infrastructure universitaire utilisée par l'Agence spatiale européenne et les principales entreprises du secteur spatial en Europe.

Pouvez-vous nous rappeler l'importance du Csl pour l'Europe dans l'espace ?

Il est l'une des quatre facilités que l'ESA utilise pour tester ses systèmes spatiaux, seul véritablement équipé pour réaliser des essais optiques. Ainsi :
- nous participons à la certification des charges utiles optiques des missions scientifiques de l'Europe dans l'espace, mais aussi de certains satellites d'observation de la Terre pour l'Esa et l'industrie européenne ;
- nous avons développé des compétences en cryogénie pour réaliser des tests à des températures très basses, ce qui était nécessaire pour qualifier des instruments fontionnant dans l'infrarouge ;
- nous avons démontré nos compétences pour la mission ISO (Infrared Space Observatory) des années 90, plus récemment pour les observatoires Herschel et Planck qui seront satellisés à la fin de l'année, puis pour l'instrument Miri (Mid-Infrared camera spectrograph) du Jwst (James Webb Space Telescope) qui, en 2013, prendra la relève du télescope spatila Hubble.

Notre spécialité consiste dans les mesures optiques en vide thermique, jusqu'à des températures de quelques Kelvins, ainsi que des essais vibratoires en condition cryogénique !


Outre ces compétences, quelles spécificités offre le Csl par rapport aux autres centres en Europe ?

Notre statut de centre de recherche universitaire - «non profit organisation» - nous place dans une position particulière vis-à-vis des autres centres, qui sont regroupés et gérés dans une structure commerciale qui est la société Ets (European Test Services).

Au Csl, les essais en ambiance spatiale sont étudiés et mis en œuvre par des équipes spécialisées. Leur exécution fait appel à l'ensemble de notre personnel de statut universitaire, qui doit faire preuve à la fois de souplesse dans ses disponibilités et d'une grande polyvalence technique. Depuis une dizaine d'années, le développement d'instruments scientifiques pour l'espace est devenu une spécialité qui a atteint la même ampleur que l'activité des essais spatiaux. Nous couvrons une partie très large des bandes du spectre électro-magnétique: l'infrarouge lointain avec Herschel, l'infrarouge avec Miri, l'ultraviolet pour la mission Juno autour de Jupiter, l'extrême ultraviolet avec des missions d'observation du Soleil.

Comment synthétiser en quelques axes les travaux que mène le Csl aujourd'hui ?

Un premier axe concerne la mise en œuvre de simulateurs d'ambiance spatiale où sont mises à l'épreuve des charges utiles optiques durant des campagnes d'essais. Comme Planck, par exemple mais également un instrument de prises de vues destiné à un satellite géostationnaire sud-coréen, pour le senseur laser ou le lidar baptisé Aladin de la mission Earth Explorer Aeolus de l'Esa, pour le Nirspec composant l'instrumentation de l'observatoire spatial Jwst, ect.

L'autre axe d'activités démontre nos capacités technologiques dans le développement d'instruments spatiaux. Nous avons terminé la charge utile du micro-observatoire solaire Proba-2, qui est constituée du télescope Swap et du radiomètre Lyra. Une bonne partie de personnel du Csl est impliqué dans les préparatifs de l'instrument Miri qui équipera le Jwst, successeur du Hubble Space Telescope. Pour le milieu de la prochaine décennie, nous préparons des équipements scientifiques pour trois sondes interplanétaires: Juno de la Nasa, qui évoluera autour de Jupiter, Solar Orbiter de l'Esa, qui s'approchera à 30 millions de km du notre étoile. Et, enfin, la sonde ExoMars à lancer à l'aide d'une Ariane 5.

Le troisième volet de nos travaux est consacré aux développements technologiques. Pour l'espace, il s'agit d'études destinées à l'Esa et touchant au domaine optique. Nous avons ainsi mis au point des revêtements de miroirs; des concentrateurs pour panneaux solaires; l'utilisation de nouveaux matériaux comme les nanotubes et des méthodes de métrologie optique qui servent à la vérification et à la qualification de matériel spatial, comme les antennes. Nous réalisons aussi des outillages pour les essais au sol.

Ce volet technologique trouve des applications industrielles, comme la conception optique d'implants oculaires pour une Pme liégeoise, les essais des panneaux solaires destinés à la base Princess Élisabeth, en Antarctique, l'identification d'œuvres d'art par holographie… Le plan Marshall est évidemment un moteur pour ces développements et le Csl y participe au sein des pôles de compétitivité SkyWin Wallonie et MecaTech.

Le quatrième volet est lié à notre statut académique. Nos chercheurs assurent certains cours des nouveaux masters en sciences et techniques spatiales de l'ULg, l'encadrement d'étudiants pour les satellites du projet Leodium et certains travaux de fin d'études. Plusieurs thèses de doctorat se déroulent dans le cadre de recherches au Csl. Et je voudrais lancer un appel aux jeunes: nous manquons d'ingénieurs et il existe de réelles opportunités pour s'épanouir professionnellement dans le secteur spatial en Belgique. Le spatial n'est pas uniquement réservé aux spécialisations hyperpoussées. Nos tâches concernent autant la maintenance de nos salles propres que les vérifications optiques scientifiques.

Comment voyez-vous l'avenir du Csl ?

Peut-on s'attendre à d'importants changements dans la gestion, dans les activités, dans l'infrastructure ? En 2007, le Centre spatial de Liège a réduit son chiffre d'affaires de près de 20% à cause du retard des tests de Planck. Il a fallu réduire la voilure. Cette année (2008), avec un personnel un peu érodé - quelque 86 personnes -, il faut s'organiser pour mener en parallèle les nombreuses campagnes d'essais spatiaux. Par ailleurs, l'environnement dans lequel nous évoluons actuellement nécessite une révision de notre façon de faire. Nous avons plus de 60 projets en cours avec des sources de financement très diverses. J'envisage la mise sur pied d'une approche plus proactive pour faire, auprès des entreprises et autres centres de recherche, la promotion de services qui font l'excellence de Csl, tels que la métrologie optique, les essais vibratoires, les revêtements optiques et la microfabrication. L'avenir du Csl doit, pour maintenir son personnel très qualifié, passer par des activités plus industrielles ou plus orientées «services»: celles-ci permettent d'absorber les retards et aléas des programmes spatiaux.

Je souhaite promouvoir ce volet «service aux entreprises», rompre avec cette image de centre technologique qui ne s'occupe que de projets à vocation spatiale. À l'instar des projets de recherche financés par la Dgtre à la fin des années 90, les pôles Skywin Wallonie et MecaTech nous offrent de nouvelles opportunités qui, d'une part, valorisent nos développements réalisés dans le spatial et, d'autre part, nous font découvrir de nouveaux partenaires régionaux. Les ingénieurs et les physiciens du Csl sont également à l'écoute des entreprises et peuvent offrir un support pour des efforts de recherche ou pour des applications spécifiques. À titre d'exemple, nous mettons au point pour le compte d'une société de recyclage un système d'identification de déchets qui défilent sur une bande transporteuse. Nos moyens de mesures optiques, nos pots vibrants, nos simulateurs du vide, nos outils cryogéniques sont autant d'équipements qui font partie des services que le Csl souhaite mettre à la disposition des entreprises.

Le Csl, ces dernières années et à l'initiative de votre prédécesseur, Claude Jamar, s'est investi pour jouer un rôle moteur dans l'incubation des retombées de la recherche et de la technologie spatiales. Allez-vous continuer sur cette orbite ?

La valorisation de nos recherches reste bien entendu une priorité. Certes, le contexte actuel est assez différent de celui qui a permis la création de l'incubateur Wallonia Space Logistics (Wsl) et l'éclosion des premières spin offs du Csl. La structure mise en place reste une passerelle privilégiée pour valoriser nos activités.

Nous venons d'aider la naissance d'une société spécialisée en panneaux photovoltaïques aux performances accrues. Si le Csl reste assez ancré dans le secteur des techniques spatiales, il doit aussi être un support en recherche et développement pour les Pme incubées et leur offrir la possibilité de s'intégrer au Csl dans des projets de grande dimension, comme ceux du 7e programme-cadre de l'Union européenne.

Note

Jean-Marc Defise, né en décembre 1962, devenait ingénieur physicien en 1986. Il est engagé en 1990 comme ingénieur-projet au Csl, déjà fleuron de l'Université de Liège en matière de recherche et technologie. En 1998, il devient responsable de la section «Instrumentation spatiale» et défend l'année suivante une thèse de doctorat sur ce sujet. 'C'est une activité vraiment polyvalente qui fait appel à une grande variété de disciplines, comme la mécanique, le thermique, l'optique, l'acoustique, l'électronique, la propreté chimique, la gestion de projet. Hormis le cursus d'ingénieur physicien, je n'avais pas de spécialité approfondie dans ces matières. Juste des connaissances de base dans ces disciplines et surtout l'humilité d'accepter que l'on a tous les jours quelque chose de nouveau à apprendre'.

Propos recueillis par Théo PIRARD (Portail de la Recherche et des Technologies en Région wallonne)


Articles connexes

Lancement réussi d'Herschel et Planck ! (15.05.09)
Fond diffus cosmologique : Les mesures actuelles (15.05.09)

L'innovation : La garantie du succès scientifique d'Herschel et Planck (13.05.09)
Planck : Un satellite dédié à l'étude du bruit de fond cosmologique (13.05.09)
Lancement demain des satellites Herschel et Planck de l'ESA (13.05.09)
Planck : Rôle du Centre spatial de Liège dans la réussite de la mission (06.05.09)

Lancement confirmé pour Herschel et Planck (06.05.09)
Report du lancement d'Herschel et de Planck (06.04.09)
Herschel et Planck en route pour Kourou (16.02.09)


   
  top

   
  Copyright 2000 - 2009 © flashespace.com. All rights reserved