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Jean-Marc Defise, Directeur Général du , précise dans cet entretien les atouts technologiques
de cette infrastructure universitaire utilisée par l'Agence
spatiale européenne et les principales entreprises du secteur
spatial en Europe.
Pouvez-vous nous rappeler l'importance du Csl pour l'Europe
dans l'espace ?
Il est l'une des quatre facilités que l'ESA utilise pour tester
ses systèmes spatiaux, seul véritablement équipé pour réaliser
des essais optiques. Ainsi :
- nous participons à la certification des charges utiles optiques
des missions scientifiques de l'Europe dans l'espace, mais aussi
de certains satellites d'observation de la Terre pour l'Esa et
l'industrie européenne ;
- nous avons développé des compétences en cryogénie pour réaliser
des tests à des températures très basses, ce qui était nécessaire
pour qualifier des instruments fontionnant dans l'infrarouge ;
- nous avons démontré nos compétences pour la mission ISO (Infrared
Space Observatory) des années 90, plus récemment pour les observatoires
Herschel et Planck qui seront satellisés à la fin de l'année,
puis pour l'instrument Miri (Mid-Infrared camera spectrograph)
du Jwst (James Webb Space Telescope) qui, en 2013, prendra la
relève du télescope spatila Hubble.
Notre spécialité consiste dans les mesures optiques en vide thermique,
jusqu'à des températures de quelques Kelvins, ainsi que des essais
vibratoires en condition cryogénique !
Outre ces compétences, quelles spécificités offre le Csl par
rapport aux autres centres en Europe ?
Notre statut de centre de recherche universitaire - «non profit
organisation» - nous place dans une position particulière vis-à-vis
des autres centres, qui sont regroupés et gérés dans une structure
commerciale qui est la société Ets (European Test Services).
Au Csl, les essais en ambiance spatiale sont étudiés et mis en
œuvre par des équipes spécialisées. Leur exécution fait appel
à l'ensemble de notre personnel de statut universitaire, qui doit
faire preuve à la fois de souplesse dans ses disponibilités et
d'une grande polyvalence technique. Depuis une dizaine d'années,
le développement d'instruments scientifiques pour l'espace est
devenu une spécialité qui a atteint la même ampleur que l'activité
des essais spatiaux. Nous couvrons une partie très large des bandes
du spectre électro-magnétique: l'infrarouge lointain avec Herschel,
l'infrarouge avec Miri, l'ultraviolet pour la mission Juno autour
de Jupiter, l'extrême ultraviolet avec des missions d'observation
du Soleil.
Comment synthétiser en quelques axes les travaux que mène le
Csl aujourd'hui ?
Un premier axe concerne la mise en œuvre de simulateurs d'ambiance
spatiale où sont mises à l'épreuve des charges utiles optiques
durant des campagnes d'essais. Comme Planck, par exemple mais
également un instrument de prises de vues destiné à un
satellite géostationnaire sud-coréen, pour le senseur laser ou
le lidar baptisé Aladin de la mission Earth Explorer Aeolus de
l'Esa, pour le Nirspec composant l'instrumentation de l'observatoire
spatial Jwst, ect.
L'autre axe d'activités démontre nos capacités technologiques
dans le développement d'instruments spatiaux. Nous avons terminé
la charge utile du micro-observatoire solaire Proba-2, qui est
constituée du télescope Swap et du radiomètre Lyra. Une bonne
partie de personnel du Csl est impliqué dans les préparatifs de
l'instrument Miri qui équipera le Jwst, successeur du Hubble Space
Telescope. Pour le milieu de la prochaine décennie, nous préparons
des équipements scientifiques pour trois sondes interplanétaires:
Juno de la Nasa, qui évoluera autour de Jupiter, Solar Orbiter
de l'Esa, qui s'approchera à 30 millions de km du notre étoile.
Et, enfin, la sonde ExoMars à lancer à l'aide d'une Ariane 5.
Le troisième volet de nos travaux est consacré aux développements
technologiques. Pour l'espace, il s'agit d'études destinées à
l'Esa et touchant au domaine optique. Nous avons ainsi mis au
point des revêtements de miroirs; des concentrateurs pour panneaux
solaires; l'utilisation de nouveaux matériaux comme les nanotubes
et des méthodes de métrologie optique qui servent à la vérification
et à la qualification de matériel spatial, comme les antennes.
Nous réalisons aussi des outillages pour les essais au sol.
Ce volet technologique trouve des applications industrielles,
comme la conception optique d'implants oculaires pour une Pme
liégeoise, les essais des panneaux solaires destinés à la base
Princess Élisabeth, en Antarctique, l'identification d'œuvres
d'art par holographie… Le plan Marshall est évidemment un moteur
pour ces développements et le Csl y participe au sein des pôles
de compétitivité SkyWin Wallonie et MecaTech.
Le quatrième volet est lié à notre statut académique. Nos chercheurs
assurent certains cours des nouveaux masters en sciences et techniques
spatiales de l'ULg, l'encadrement d'étudiants pour les satellites
du projet Leodium et certains travaux de fin d'études. Plusieurs
thèses de doctorat se déroulent dans le cadre de recherches au
Csl. Et je voudrais lancer un appel aux jeunes: nous manquons
d'ingénieurs et il existe de réelles opportunités pour s'épanouir
professionnellement dans le secteur spatial en Belgique. Le spatial
n'est pas uniquement réservé aux spécialisations hyperpoussées.
Nos tâches concernent autant la maintenance de nos salles propres
que les vérifications optiques scientifiques.
Comment voyez-vous l'avenir du Csl ?
Peut-on s'attendre à d'importants changements dans la gestion,
dans les activités, dans l'infrastructure ? En 2007, le a réduit son chiffre d'affaires de près de
20% à cause du retard des tests de Planck. Il a fallu réduire
la voilure. Cette année (2008), avec un personnel un peu érodé
- quelque 86 personnes -, il faut s'organiser pour mener en parallèle
les nombreuses campagnes d'essais spatiaux. Par ailleurs, l'environnement
dans lequel nous évoluons actuellement nécessite une révision
de notre façon de faire. Nous avons plus de 60 projets en cours
avec des sources de financement très diverses. J'envisage la mise
sur pied d'une approche plus proactive pour faire, auprès des
entreprises et autres centres de recherche, la promotion de services
qui font l'excellence de Csl, tels que la métrologie optique,
les essais vibratoires, les revêtements optiques et la microfabrication.
L'avenir du Csl doit, pour maintenir son personnel très qualifié,
passer par des activités plus industrielles ou plus orientées
«services»: celles-ci permettent d'absorber les retards et aléas
des programmes spatiaux.
Je souhaite promouvoir ce volet «service aux entreprises», rompre
avec cette image de centre technologique qui ne s'occupe que de
projets à vocation spatiale. À l'instar des projets de recherche
financés par la Dgtre à la fin des années 90, les pôles Skywin
Wallonie et MecaTech nous offrent de nouvelles opportunités qui,
d'une part, valorisent nos développements réalisés dans le spatial
et, d'autre part, nous font découvrir de nouveaux partenaires
régionaux. Les ingénieurs et les physiciens du Csl sont également
à l'écoute des entreprises et peuvent offrir un support pour des
efforts de recherche ou pour des applications spécifiques. À titre
d'exemple, nous mettons au point pour le compte d'une société
de recyclage un système d'identification de déchets qui défilent
sur une bande transporteuse. Nos moyens de mesures optiques, nos
pots vibrants, nos simulateurs du vide, nos outils cryogéniques
sont autant d'équipements qui font partie des services que le
Csl souhaite mettre à la disposition des entreprises.
Le Csl, ces dernières années et à l'initiative de votre prédécesseur,
Claude Jamar, s'est investi pour jouer un rôle moteur dans l'incubation
des retombées de la recherche et de la technologie spatiales.
Allez-vous continuer sur cette orbite ?
La valorisation de nos recherches reste bien entendu une priorité.
Certes, le contexte actuel est assez différent de celui qui a
permis la création de l'incubateur Wallonia Space Logistics (Wsl)
et l'éclosion des premières spin offs du Csl. La structure mise
en place reste une passerelle privilégiée pour valoriser nos activités.
Nous venons d'aider la naissance d'une société spécialisée en
panneaux photovoltaïques aux performances accrues. Si le Csl reste
assez ancré dans le secteur des techniques spatiales, il doit
aussi être un support en recherche et développement pour les Pme
incubées et leur offrir la possibilité de s'intégrer au Csl dans
des projets de grande dimension, comme ceux du 7e programme-cadre
de l'Union européenne.
Note
Jean-Marc Defise, né en décembre 1962, devenait ingénieur physicien
en 1986. Il est engagé en 1990 comme ingénieur-projet au Csl,
déjà fleuron de l'Université de Liège en matière de recherche
et technologie. En 1998, il devient responsable de la section
«Instrumentation spatiale» et défend l'année suivante une thèse
de doctorat sur ce sujet. 'C'est une activité
vraiment polyvalente qui fait appel à une grande variété de disciplines,
comme la mécanique, le thermique, l'optique, l'acoustique, l'électronique,
la propreté chimique, la gestion de projet. Hormis le cursus d'ingénieur
physicien, je n'avais pas de spécialité approfondie dans ces matières.
Juste des connaissances de base dans ces disciplines et surtout
l'humilité d'accepter que l'on a tous les jours quelque chose
de nouveau à apprendre'.
Propos recueillis par Théo PIRARD ()
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