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13.03.09 Le gradiomètre de GOCE
(Gravity Field and Steady State Ocean Circulation Explorer)
 
Dans cet article qui présente la mission GOCE, Max Bard, le Chef de projet du gradiomètre chez Thales Alenia Space (instrument principal), répond à nos questions et apporte son éclairage sur cette mission d'une grande complexité qui vise à sonder l'intérieur de la Terre. Il s'agit pour les scientifiques de déterminer et de cartographier de façon très précise le champ de gravité terrestre.

GOCE a été réalisé par un consortium Européen. Dans le cadre de ce partenariat, Astrium a fabriqué la plateforme et Thales Alenia Space, en plus de la maîtrise d'œuvre satellite, 'a fourni le gradiomètre, l'instrument principal de la mission, en étroite collaboration avec l'Onera'.

Ce satellite a pour 'mission de mesurer les anomalies gravitationnelles et de redéfinir le géoïde à 1 ou 2 centimètres près'. Cette mission s'inscrit dans la lignée de 2 missions passées (Champ et Grace) mais avec 'une évolution de performance de 1 à 2 ordres de grandeurs (soit 10 fois à 100 fois plus précis)'. Afin d'atteindre cet objectif GOCE sera placé à une altitude inhabituelle de 260 km au plus prés de l'objet à caractériser.
 

Géoïde de la Terre

 
Le gradiomètre de GOCE


Cet instrument embarque 'six accéléromètres fonctionnant par paire,' les deux accéléromètres de chaque paires constituant un bras sont distants de 50 cm l'une de l'autre. Les trois bras ainsi constitués sont assemblés perpendiculairement les uns part rapport aux autres, l'ensemble devant être aligné de façon 'parfaite' et maintenu dans une position stable afin 'd'éviter un mélange des mesures issues des différents accéléromètres et atteindre ainsi les précisions requises'.

Notez que si un des six accéléromètres venait à ne plus fonctionner, l'instrument continuerait d'assurer sa mission, 'grâce à une recombinaison possible des mesures des accéléromètres restants'.

Grâce à sa masse d'épreuve de 350 grammes (parallélépipède en platinium-rodhium) en lévitation dans un champ électrostatique chaque accéléromètre mesure à son niveau, selon les 6 degrés de liberté, 'la perturbation d'accélération avec une précision inégalée de 10 -12 g. soit l'équivalent de l'impact d'un flocon de neige sur un super tanker !'

Le gradiomètre intégré dans la plate-forme du satellite Crédit ESA

'Cette perturbation d'accélération vue sous la forme d'une force est mesurée en ajustant/adaptant l'intensité du champ électrostatique à l'aide d'électroniques d'acquisition et de commande analogiques à très faible bruit, associées à un calculateur afin de tenir la masse d'épreuve à sa position de référence. Les différences d'accélérations entre les 2 accéléromètres d'une même paire combinées à la mesure des autres paires permettent de déduire des variations de gravité terrestre'.

La mise au point de ce gradiomètre n'a pas été simple car il doit mesurer les perturbations externes, venant de la Terre et non pas celles générées en interne comme, par exemple, la dilation du bras (entre les 2 accéléromètres de la même paire) ou, encore plus original, la variation du champ de gravité interne entre les accéléromètres et les divers éléments du satellite.

Thales Alenia Space a donc 'développé des éléments de structure unique au monde utilisant une technologie carbone-carbone ( fibres de Carbone insérées dans une matrice carbone) qui permet une très grande stabilité thermo-élastique ( de l'ordre de 10-7 ) et hydrique( effet de l'absorption de l'eau), sans hystérésis après application de charges et présentant un gain de masse significatif'. Cette technologie est 'associée à un contrôle thermique jamais inégalé (de l'ordre de 0,01 mK sur 200 s) '.

Elle sera bien évidemment ré- utilisée dans le futur pour des instruments d'optiques ou autres ayant besoin d'exigences de stabilité aussi élevées.

 

Le gradiomètre

Crédit
Thales Alenia Space
 

Particularités du satellite


Le satellite GOCE a la particularité d'être très longiligne (5 m de long et 1 m de diamètre pour 1 tonne environ). Cette 'forme inhabituelle pour un satellite d'observation de la Terre' s'explique par sa faible altitude de travail où subsiste une atmosphère résiduelle. Afin de minimiser la résistance due à la friction de cet air, même raréfié, 'le satellite présente un profil aérodynamique proche de celui d'un avion de façon que sa trainée soit la plus faible possible'.

La surface de sa section perpendiculaire par rapport au sens du vol mesure moins d'1 mètre carré. Ce résultat a été obtenu en étirant la cellule dans le sens de la longueur. Les panneaux solaires parallèles au sens du vol ne sont pas déployables mais solidement fixés. Le gradiomètre qui occupe à peu près le tiers du volume du satellite a été positionné a son centre de gravite afin d'éviter les perturbations latérales du satellite.

GOCE : Premier satellite de conception aérodynamique (en forme de flèche) pour limiter les effets du frottement causé par l'atmosphère résiduelle à 260 km d'altitude. Crédit ESA

Comme 'il est fondamental de ne pas perturber les mesures, et de ne mesurer que les effets des anomalies gravitationnelles terrestre', il n'y a aucune pièce en mouvement, pas d'électroaimant et aucun mécanisme qui bouge.

L'autre particularité, 'est la très faible altitude du satellite qui induit une durée de vie très courte'. Elle sera d'une vingtaine de mois avec 2 périodes de mesures opérationnelles de 6 mois avec possibilité d'une extension de mission. Entre ces 2 premières périodes, le satellite sera mis en hibernation et son altitude relevée afin d'économiser son énergie. Le choix de cette altitude s'explique encore une fois par 'la spécificité de cette mission, plus on s'éloigne de la Terre, moins bonne est la mesure'.

La trainée atmosphérique

Malgré sa forme aérodynamique, GOCE sera 'confronté à une trainée atmosphérique importante pouvant perturber son fonctionnement'. Afin d'en minimiser et d'en maîtriser les effets les équipes de Thales Alenia Space ont développé un 'système de compensation qui s'appui sur l'utilisation de moteurs ioniques'.

Comme nous l'explique Max Bard 'A l'effet de gravité se superpose celui de la friction atmosphérique. Toutefois, la décélération constante provoquée par l'air est, elle aussi, enregistrée par le gradiomètre, qui est capable de la distinguer de l'accélération due à des anomalies gravitationnelles. Le calculateur de bord analyse les données d'accélération et actionne un moteur à propulsion ionique qui ainsi minimise les perturbations liées à la friction en adaptant la poussée délivrée. Ce système est appelé 'compensation de traînée''

La mission de Rockot

GOCE sera lancé par le lanceur russe Rockot opéré par Eurockot Launch Services. Rockot doit positionner le satellite sur 'une orbite plus élevé que l'orbite opérationnelle'. Il s'agit ainsi de bénéficier de 'la descente du satellite jusqu'à son orbite définitive' pour permettre aux ingénieurs et scientifiques de la mission de faire la recette du satellite et la calibration du gradiomètre.

Cette orbite n'a pas été choisie au hasard. Il va de soit que les scientifiques auraient préféré une orbite encore plus basse mais ces 260 km d'altitude constituent 'le meilleur compromis entre retour scientifique, trainée atmosphérique et activité solaire' (qui influe sur la densité d'atmosphère résiduel). GOCE fera un tour de la Terre en 90 minutes sur une orbite héliosynchrone.

Objectifs scientifiques

La sismologie et l'océanographie sont les 2 grands domaines d'application du satellite GOCE. Les données permettront notamment aux géophysiciens d'affiner la connaissance du géoïde (une surface proche de la forme réelle de la Terre prenant en compte les variations de densité de la planète. Quant aux océanographes, ils pourront en déduire des modèles de circulation océanique.

Les aspects climatiques de la mission sont nombreux de sorte que GOCE abordera 'la problématique du changement climatique sous un angle inhabituel'. Les mouvements de masse d'eau dans les océans qui transfèrent des quantités d'énergie colossal, l'évolution des glaces ou encore la connaissance des anomalies interne de la Terre qui peuvent expliquer la présence de matériaux plus de dense, voire des réserves de pétrole, sont autant de domaines d'études qui bénéficieront à plein de GOCE.

Les résultats obtenus durant les vingt mois que doit durer cette mission occuperont les scientifiques 'pendant de nombreuses années'.

La Gravite: une source d'erreurs

La gravité est une loi fondamentale de la nature, une force d'attraction entre toutes les masses. Les corps volumineux comme notre planète produisent un champ de gravité : toute masse est attirée vers le centre du corps. Cependant plusieurs facteurs induisent des variations locales de ce champ, par exemple les différents matériaux présents sous la croûte terrestre ou la distorsion de la forme de la Terre due à sa rotation.

Note

Diplômé de l'Ecole Nationale Supérieure des Arts et Métiers en 1977, Max Bard travaille pour Thales Alenia Space France depuis plus de 30 ans. Chef de projet du gradiomètre de GOCE depuis 2001, cet ingénieur a également participé de près au programme Spot 5.


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