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09.11.05 |
Jean-Pierre
Lebreton, Mission Manager à L'Agence spatiale européenne
répond à nos questions.
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Flashespace
Quels défis techniques ou technologiques avez-vous dû
relever durant la conception de Vénus Express ?
J.-P. Lebreton
Le premier défi était d'adapter une plate-forme existante
(Mars Express), qui avait été à l'origine conçue
pour une mission autour de Mars. Comme Vénus est bien plus
proche du soleil, il y avait principalement des contraintes thermiques
et opérationnelles à résoudre. De plus l'adaptation
de certains instruments conçus pour MEX ou Rosetta, afin
de faire des mesures sur Vénus, était aussi un défi
à relever. D'autant plus que tout cela devait être
étudié et réalisé en moins de 3 ans.
Un record sans doute !
Flashespace
Est-ce que la proximité du Soleil entraîne des problèmes
importants à résoudre, sur les plans électronique,
isolation, ou énergétique (panneaux solaires), et
lesquels ?
J.-P. Lebreton
Les panneaux solaires prévus pour une mission martienne ne
convenaient pas car ils devront fonctionner à haute température.
Les panneaux solaires de Venus express sont optimisés pour
fonctionner plus près du soleil que ceux de Mars Express.
Flashespace
A plus long terme, une mission de retour d'échantillons est-elle
intéressante d'un point de vue scientifique et envisageable
?
J.-P. Lebreton
Une mission de retour d'échantillons est bien sûr intéressante
du point de vue scientifique, mais à l'évidence il
est trop tôt pour envisager une telle mission sur Vénus.
L' ESA a fait l'étude d'une telle mission en 1997-1998.
La principale difficulté est qu'il faut emporter sa fusée
(une petite Ariane) à la surface de Vénus (où
c'est une fournaise), rester au sol le moins longtemps possible,
juste le temps de ramasser quelques échantillons (on ne prend
pas le temps de les choisir) et repartir avec la fusée accrochée
sous un ballon à partir duquel elle décollera vers
55 km d'altitude. Faire décoller une fusée de la surface
de Vénus serait équivalent à faire décoller
une fusée à 900 m sous la mer, du fait que la pression
à la surface de Vénus est de 90 bars.
Donc c'est techniquement impossible.
Flashespace
Une mission de type Beagle- 2 n'est donc pas envisageable ?
J.-P. Lebreton
D'un point de vue technique il me parait très difficile d'envisager
l'envoi d'un lander de conception légère sur la surface de Vénus.
Déjà la conception d'un lander vénusien serait radicalement différente
de celle d'un lander martien. Sa durée de vie opérationnelle serait
très courte en raison de la pression à la surface de Vénus qui est
de 90 bars mais également des températures qui atteignent les 460
°C. Bref, le retour scientifique avec un lander de type Beagle-2
serait pour ainsi dire nul.
Par contre, on peut très bien envisager l'envoi d'un ballon dans
la haute atmosphère de Vénus, que l'on laisserait dériver au gré
des vents.
Un tel projet avait été envisagé au sein de l'ESA lors de la définition
de Venus Express avant d'être rapidement abandonné parce que l'on
s'était rendu compte qu'il n'était pas évident de faire quelque
chose de nouveau à la fois simple et pas cher (ce qui était une
contrainte forte lors de la définition de Venus Express) par rapport
aux sondes russes Vega 1 et 2 qui en 1985 avaient largué chacune
un ballon dans l'atmosphère de façon à déterminer sa structure.
Il est vraiment nécessaire de développer de nouveaux instruments
pour faire des choses nouvelles dans l'atmosphère de Vénus.
Flashespace
Est-ce qu'une manuvre d'aérobraking est possible autour
de Vénus comme pour Mars ?
J.-P. Lebreton
L'aerobraking est en effet possible. a été conçu pour faire des tests d'aerobraking (aérofreinage)
en fin de mission. La sonde américaine Magellan a fait de telles
manœuvres au-dessus de Vénus. Les essais d'aerobraking autour de
Vénus ouvriront la voie à des missions futures plus ambitieuses
une fois que cette technique sera bien maîtrisée.
Flashespace
Certains instruments de Vénus Express sont-ils susceptibles
de détecter un indice de vie, même primitive, sur Vénus
?
J.-P. Lebreton
L'environnement de Vénus n'est pas propice à la vie,
sauf peut-être dans les nuages vers 50 km d'altitude où
l'on retrouve les conditions de température et de pression
comme à la surface de la terre, mais il manque de l'eau liquide,
ingrédient que l'on croit indispensable pour que la vie se
développe.
L'hypothèse de la présence d'une certaine forme de
vie très primitive dans les nuages de Vénus a été
mise en avant par une équipe américaine. Avec ses
instruments très performants d'analyse de la composition
de l'atmosphère, Venus Express a les moyens pour donner quelques
éléments de réponse à cette question.
Mais attention, soyons prudents, laissons d'abord les observations
se faire. On proposera ensuite des interprétations rigoureuses.
Flashespace
D'un point de vue purement scientifique, quel est l'objectif principal
de la mission ?
J.-P. Lebreton
Etude globale de la composition de l'atmosphère, de la météorologie,
de la dynamique de l'atmosphère et de son interaction avec
la surface.
VEX est équipé pour étudier - indirectement
par leurs effets dans l'atmosphère - s'il y a un volcanisme
actif sur Vénus.
VEX est aussi très bien équipé pour étudier
l'effet de serre qui semble s'être emballé sur Vénus.
On devra en tirer des informations très importantes pour
mieux comprendre si un tel phénomène peut se produire
sur terre.
Ce qui est intéressant, l'ESA aura une mission avec des instruments
similaires autour de Mars, de Vénus, et d'une comète.
Ce qui permettra de faire des études de planétologie
comparée. Si on y inclut la terre, les Européens vont
faire des progrès importants dans ce domaine dans la prochaine
décennie.
Flashespace
Est-ce que Venus Express est à même de remettre en
cause certains modèles ?
J.-P. Lebreton
Bien sûr. Toute nouvelle mission apporte son lot de surprises
et remet les " faiseurs " de modèles au travail.
Venus Express ne devrait pas faillir à cette règle.
L'aller-retour entre les observations et les modèles fait
vraiment progresser la science.
Flashespace
L'exploration des planètes du Système Solaire permet
d'apporter quelques réponses à des questions que l'on
se pose sur l'histoire de la Terre et son devenir. Dans le cas de
Vénus, l'effet de serre est-il le seul phénomène
qui peut être transposé à la Terre ?
J.-P. Lebreton
Transposer, non pas directement, mais la physique et la chimie sont
les mêmes sur Vénus et sur Terre. Une meilleure compréhension
de l'effet de serre sur Vénus ne pourra que nous aider à
mieux le comprendre sur terre. N'oublions pas qu'il y a aussi un
effet de serre sur Titan. Ca nous fait trois planètes pour
étudier ce phénomène dont les effets deviennent
très préoccupants sur terre.
Flashespace
Les performances de la caméra VMC sont-elles comparables
à celles de Mars Express ?
J.-P. Lebreton
Non, pas du tout. La mission de Venus Express n'est pas de photographier
la surface de la planète. La caméra sera avant tout
utilisée pour aider les scientifiques à identifier
les phénomènes observés par d'autres instruments
en prenant des images dites de contexte.
De plus, en raison de l'épaisse couche atmosphérique,
il est impossible de voir la surface de Vénus en lumière
visible. C'est pourquoi l'autre instrument d'imagerie, VIRTIS, prendra
aussi des images dans un grand nombre de couleurs dont en infrarouge.
Il pourra observer la surface à travers des " fenêtres
" et ainsi voir la surface.
Flashespace
Par rapport aux missions précédentes, je pense aux
sondes russes Venera et Vega et américaines Pioneer Venus
et Magellan, qu'apportera de plus Venus Express ?
J.-P. Lebreton
était une mission radar de cartographie de la surface.
a permis de surveiller l'environnement ionisé pendant
de longues années et a largué quatre sondes qui ont
fait des mesures pendant leur descente en parachute.
Les sondes russes Vénéra, dont certaines ont été
des échecs, ont réussi l'exploit d'atterrir sur Vénus
et de fonctionner pendant quelques dizaines de minutes dans une
vraie fournaise- on leur doit ces images superbes de la surface
de Vénus.
Par la suite les Russes ont construit des sondes pour tourner autour
de la planète, mais la récupération des données
a été assez décevante.
Vénus Express s'attaque de façon systématique
à l'atmosphère de Vénus, ce qui est très
complémentaire de tout ce qui a été fait jusqu'à
maintenant. C'était le créneau idéal que l'ESA
pouvait offrir à sa communauté scientifique en utilisant
beaucoup de récurrent de Mars Express et de Rosetta pour
un coût très raisonnable.
Flashespace
Pourquoi Venus Express n'a-t-elle pas été lancée
par une Ariane 5 ?
J.-P. Lebreton
Tout simplement parce que l'on a pas besoin d'un lanceur aussi puissant
pour lancer Venus Express. D'autant plus que le coût d'un
lanceur Soyouz équipé de son étage Fregat est
de moitié inférieur à celui d'une Ariane 5.
Enfin, et toujours dans un souci d'optimiser les coûts de
développement, la solution Soyouz s'imposait d'elle-même
car c'est un lanceur du même type qui avait lancé la
sonde européenne Mars Express en 2003.
Flashespace
Ne serait-il pas envisageable de concevoir, en partenariat avec
d'autres agences spatiales, toute une panoplie de missions de ce
genre, considérant le coût de conception relativement
réduit pour une mission de cette importance ?
J.-P. Lebreton
L'idée est bonne, mais en pratique impossible a mettre en
uvre pour de multiples raisons. D'une part, il y a le problème
des retours industriels entre les pays participant aux projets,
de sorte qu'il n'est pas possible, par exemple, de placer une mission
américaine sur une plate-forme européenne.
D'autre part, la réutilisation d'une plate-forme pour plusieurs
missions distinctes pose des problèmes techniques insurmontables.
Au-delà de la planète Mars se pose le problème
de la distance au Soleil et donc de la production et de la distribution
de l'énergie pour les charges utiles et techniques. Ainsi,
il n'est pas possible de concevoir une même plate-forme pour
tourner autour à la fois autour de Mars et de Jupiter, par
exemple.
Si l'on prend l'exemple de la plate-forme utilisée par Mars
Express et Venus Express, les profils de mission étaient
très similaires de sorte que l'on a été capable
de développer et d'intégrer des charges utiles appropriées
aux objectifs scientifiques des deux missions.
L'Agence spatiale européenne a envisagé pendant un
court laps de temps d'utiliser cette plate-forme pour la mission
Bepi-Colombo, à destination de Mercure. Mais on s'est vite
rendu compte que pour tourner autour de cette planète il
fallait un autre type de plate-forme.
Flashespace
Serait-il envisageable de réutiliser la plate-forme de Venus-Express
et Mars-Express pour transporter des instruments mis au point par
des universitaires ? Certains pays souffrent d'un déficit
d'intérêt pour la recherche. Ne serait-il pas plus
passionnant pour eux d'y participer activement ?
J.-P. Lebreton
L'ESA se préoccupe de ce problème comme on peut le
voir avec la mission . Ce petit satellite a été entièrement
fabriqué par des étudiants européens. Toute
la coordination des travaux a été réalisée
sous l'égide de l'Agence spatiale européenne qui a
aussi offert ses moyens d'essai.
Une plateforme industrielle du type de celle de VEX ou de MEX n'est
pas envisageable pour un projet universitaire. De plus il est bien
plus formateur pour des étudiants de concevoir une plateforme
et sa charge utile de A à Z.
Toutefois, je pense qu'un jour des missions conçues par des
universitaires enverront des sondes autour de la Lune, de Mars et
de Vénus.
Mais il serait aussi intéressant que l'ESA envisage de réserver
un peu de place sur ses missions pour une petite charge utile universitaire.
Il faut tout essayer pour motiver les jeunes générations
qui devront prendre la relève un jour.
Flashespace
Quel est votre rôle dans la mission ?
J.-P. Lebreton
J'ai moi-même participé il y a un peu plus de 3 ans
à la mise en place de Venus Express, comme responsable scientifique
pendant la phase d'étude. C'est toujours très passionnant
de mettre en place les pièces d'un puzzle qui, une fois terminé,
voit la mise en uvre d'une nouvelle mission.
Mais une fois la mission sur rail, j'ai dû passer la main
car je devais me consacrer entièrement à .
Je l'ai bien sûr un peu regretté mais mon collègue
qui a pris la relève a fait un travail remarquable. Je suis
toutefois associé à l'équipe du magnétomètre.
Donc j'attends le lancement et bien sûr la mise en orbite
avec une certaine impatience.
Flashespace
Merci pour votre éclairage et vos renseignements avisés sur cette
passionnante aventure.
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Jean-Pierre
Lebreton
Jean-Pierre Lebreton est né en France, dans la région de Chartres.
Il a accompli des études Universitaires à Orléans et s'est spécialisé
dans la physique des gaz ionisés et de l'environnement terrestre.
Après un Post-doctorat à l'
(le Centre technique de l'ESA aux Pays-Bas), au département de la
Recherche Scientifique de 1978 à -1980, il est nommé Chercheur dans
ce même service en 1980. Depuis 1984, il travaille sur la mission
Cassini-Huygens, date à laquelle les premières études ont
été démarrées, en collaboration entre l' ESA et la NASA.
Responsable scientifique de Huygens (Lire sur la mission Huygens (janvier 2005)),
il travaille également au développement d'instruments scientifiques
pour d'autres missions spatiales. Il participe également à l'analyse
et l'interprétation des résultats de la sonde Huygens.
Son domaine principal de recherche est celui des études comparées
des atmosphères et de l'environnement des planètes et autres corps
du Système Solaire (Terre, Mars, Venus, Titan, Comètes).
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Notre dossier
Nos questions a Jean Pierre Lebreton, Mission Manager à l'Agence
spatiale européenne
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