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L' (ITER, réacteur thermonucléaire
expérimental international) est un projet de recherche-développement
mené par sept parties pour prouver la faisabilité scientifique et
technique de la fusion nucléaire - qui se produit lorsque l'on combine
les noyaux, ou centres, de deux atomes - comme source d'énergie
pour faire face à la croissance rapide de la demande mondiale. L'ITER
sera construit à Cadarache (France) et devrait entrer en service
aux environs de 2016.
L'article ci-après présente le fonctionnement de l'atome - cette
minuscule particule dont la matière est composée.
Les atomes contiennent trois particules " subatomiques " : des protons,
des neutrons et des électrons. Les protons et les neutrons sont
plus lourds que les électrons et existent au centre de l'atome,
le noyau. Les électrons existent dans un nuage qui entoure le noyau.
Le poids de chaque atome correspond à la somme du poids de ses neutrons
et de ses protons. L'hydrogène est l'atome le plus léger, avec un
proton et aucun neutron : son poids atomique est 1. Le fer est un
exemple d'élément lourd, avec 26 protons et 30 neutrons : son poids
atomique est 56. La fusion dans les atomes plus légers que ceux
du fer produit de l'énergie et la fusion dans les atomes plus lourds
requiert de l'énergie. Le nombre de protons de tout élément donné
est constant mais le nombre de ses neutrons peut changer. Les atomes
d'éléments qui ont le même nombre de protons mais un nombre différent
de neutrons sont appelés isotopes. L'hydrogène a trois isotopes
: le protium (un proton, pas de neutron), le deutérium (un proton
et un neutron) et le tritium (un proton et deux neutrons). Dans
ITER, la fusion combinera deux de ces atomes légers, le deutérium
et le tritium, pour former un atome stable plus lourd, l'hélium,
et un neutron, tous deux dotés d'énergie cinétique. Leur fusion
libérera de l'énergie.
Cette interview a paru dans le numéro d'octobre 2006 de la revue
électronique " Dossiers mondiaux " du . Les opinions qui y sont exprimées ne représentent
pas nécessairement le point du vue ou la politique du gouvernement
américain ou des parties au projet ITER.
Norbert Holtkamp
Norbert Holtkamp, Ph.D., principal directeur général adjoint désigné
d',
est directeur de construction du projet. Né en Allemagne, il a travaillé
au Deutsches Elektronen Synchrotonde de Hambourg (Allemagne) et
au Fermi National Accelerator Laboratory dans l'Illinois (États-Unis).
En 2001, il a commencé à coordonner et à diriger la planification
et la construction du Spallation Neutron Source (SNS) du Laboratoire
national du ministère américain de l'énergie à Oak Ridge. Terminé
en mai 2006 pour un coût de 1,4 milliard de dollars, le SNS fait
passer des particules subatomiques appelées neutrons dans un accélérateur
pour produire les faisceaux émetteurs de neutrons les plus intenses
au monde à des fins de recherche scientifique et de développement
industriel.
ITER, réacteur thermonucléaire expérimental international
Dans un monde où les besoins énergétiques progressent beaucoup plus
rapidement que l'approvisionnement disponible, les chercheurs partout
tentent de maîtriser l'énergie du soleil et des étoiles et de l'utiliser
pour répondre à la demande croissante. L'Union européenne, la République
de Corée, l'Inde, la Chine, la Russie et les États-Unis ont constitué
l'Organisation ITER pour élaborer les moyens de produire cette énergie.
Dans cette interview, le directeur général adjoint désigné d'ITER
et le scientifique qui dirigera la construction du plus grand réacteur
à fusion nucléaire du monde, le Dr. Norbert Holtkamp, parle d'ITER
et des progrès dans la recherche sur la fusion. Il répond aux questions
de Cheryl Pellerin, correspondante scientifique des Dossiers mondiaux.
- Qu'est ce que le projet ITER ?
Norbert Holtkamp
ITER est l'abréviation d'" International Thermonuclear Experimental
Reactor " (réacteur thermonucléaire expérimental international)
et c'est aussi un mot latin signifiant la voie. ITER symbolise la
volonté de construire le plus grand réacteur à fusion au monde.
Une version beaucoup plus petite en existe déjà : le JET (Joint
European Torus ou Tore européen commun) - le plus grand réacteur
à fusion nucléaire existant - fonctionne depuis 1983 près de Culhan
(Angleterre). ITER représente l'étape suivante dans la construction
de réacteurs à fusion pour produire de l'énergie.
- Quelle différence y a-t-il entre fission et fusion ?
Norbert Holtkamp
La fission consiste à casser des noyaux atomiques lourds pour produire
de l'énergie. La fission est contrôlée dans un réacteur nucléaire
et incontrôlée dans une bombe atomique. La fusion consiste à fusionner
ensemble deux noyaux légers. Dans le cas d'ITER, ce sont deux noyaux
d'hydrogène qui fusionnent ensemble. Lorsque cela arrive, il y a
libération d'énergie
- Pourquoi la fusion est-elle meilleure dans ce projet que la
fission ?
Norbert Holtkamp
Beaucoup de réacteurs nucléaires à fission sont opérationnels et
produisent de l'électricité ; la fission a donc un avantage : elle
est exploitée aujourd'hui. La fusion n'est pas encore exploitable,
c'est un projet de recherche. La fission et la fusion sont toutes
deux des réactions nucléaires mais elles sont fondamentalement différentes.
L'avantage de la fusion est que l'un de ses sous-produits, l'hélium,
n'est pas radioactif et que l'autre, un neutron, est utilisé pour
fabriquer un isotope d'hydrogène, le tritium, à partir des matériaux
porteurs de lithium entourant le plasma (gaz ionisé). Dans un réacteur
à fission, lorsque l'on casse les noyaux, les deux morceaux restants
sont tous les deux radioactifs. Dans le processus de fusion, cela
ne se produit pas - la chambre qui entoure les noyaux devient légèrement
radioactive mais les sous-produits ne le sont pas.
Le grand avantage de la fusion est que le deutérium et le lithium,
qui est utilisé pour produire le tritium, employés dans le processus
existent en grandes quantités - ils sont abondants sur terre et
dans les océans. Cela n'est pas vrai du processus de fission : les
réacteurs doivent utiliser de l'uranium, qui n'existe qu'en quantité
limitée, ou un matériau semblable pour fonctionner. Mais il ne serait
pas juste de dire que le processus de fusion est meilleur, parce
que les appareils de fusion existants sont des appareils de recherche
expérimentale, pas des réacteurs - les chercheurs essaient de découvrir
comment utiliser la fusion pour produire de l'énergie. Si ITER réussit,
ce sera le premier réacteur à fusion nucléaire capable de produire
sensiblement plus d'électricité qu'il n'en consomme. Ce sera une
étape majeure.
- Comment est née l'idée d'ITER ?
Norbert Holtkamp
Elle est née de la coopération internationale appliquée à la recherche
sur la fusion ; c'est le président soviétique Mikhaïl Gorbatchev
qui l'a d'abord proposée au président français François Mitterrand
lors d'une réunion, puis au président américain Ronald Reagan au
sommet de Genève de 1985. Ces trois présidents se sont rencontrés
et ont décidé qu'il fallait faire avancer le dossier des ressources
énergétiques et voir quelles autres sources d'énergie la science
pourrait mettre à disposition une fois épuisés le charbon et le
pétrole. La fusion a toujours été un sujet de recherches internationales
et, lors des sommets, l'énergie est toujours un grand sujet de discussion.
Cela n'a pas été une discussion scientifique mais ils se sont rencontrés
et ont décidé que c'était quelque chose que nous devions faire.
Nous devions réunir les cerveaux du monde entier, travailler ensemble
et partager les résultats des recherches.
- Quels sont les objectifs scientifiques et techniques d'ITER
et qu'est ce qu'il va prouver ?
Norbert Holtkamp
ITER sera le premier réacteur à fusion nucléaire à produire plus
d'énergie qu'il ne consomme. Les scientifiques mesurent cela selon
un quotient qu'ils appellent Q. Si ITER atteint tous ses objectifs
scientifiques, il créera 10 fois plus d'énergie qu'il n'en absorbera.
Le dernier appareil, le JET anglais, est un prototype plus petit
qui à son dernier stade a atteint un Q presque égal à 1, c'est-à-dire
qu'il a produit autant d'énergie qu'il n'a absorbé. ITER permettra
d'aller plus loin - démontrant la création d'énergie dans le processus
de fusion - et d'atteindre un Q de 10. Il s'agit de lui fournir
quelque 50 mégawatts et d'en retirer 500. Un des objectifs scientifiques
d'ITER est donc de montrer d'abord qu'il peut atteindre un Q de
10.
Un deuxième objectif scientifique consiste à faire en sorte qu'ITER
ait une durée de combustion très longue - une pulsion d'une durée
pouvant aller jusqu'à une heure. ITER est un réacteur expérimental
de recherche et ne peut pas produire de l'énergie tout le temps.
Une fois lancé, il pourra fonctionner pendant une heure puis il
faudra l'arrêter. Cela est important parce que, jusqu'à présent,
les machines que nous avons construites ont un temps maximal de
combustion de quelques secondes voire de quelques dixièmes de seconde.
JET a obtenu un Q de 1 avec une combustion d'environ 2 secondes
dans une pulsion de 20 secondes. Mais plusieurs secondes ne représentent
pas une constante. C'est comme le fait de démarrer une voiture -
faire tourner le moteur, puis l'arrêter, ce n'est pas vraiment conduire.
En revanche, conduire une voiture pendant une demi-heure, voilà
une opération constante qui prouve qu'on peut vraiment la conduire.
Alors ce qu'ITER doit prouver techniquement et scientifiquement,
c'est qu'il a un Q de 10 et une combustion de longue durée.
- Quel est le calendrier du projet ITER ?
Norbert Holtkamp
Tout va dépendre de la rapidité avec laquelle nous allons pouvoir
constituer l'équipe de Cadarache et de la réussite des différentes
parties au plan de la construction des éléments qu'ils doivent livrer.
Cela va de pair avec un financement annuel approprié du projet ;
il va donc falloir se mettre d'accord sur le financement requis.
En gros, on vise 2016 comme date de mise en service d'ITER. Je ne
peux pas vous dire si cela est réaliste parce que cela devra être
confirmé par la planification précise qui sera arrêtée l'année prochaine.
Je ne peux donc pas m'engager absolument sur la date de 2016. Une
fois terminé, ITER devrait rester en service pendant 25 ou 30 ans.
- Pourriez-vous nous décrire les différentes phases d'ITER ?
Norbert Holtkamp
La première phase précède la construction. Officiellement, ITER
n'existe pas encore en tant qu'organisation parce que les sept parties
n'ont ni signé ni ratifié les documents voulus. Elles devraient
le faire d'ici la fin de l'année. Les parties sont convenues de
la forme d'ITER en tant qu'organisation internationale. Cela est
déjà un succès remarquable. Il a fallu plus ou moins quatre ans
pour finaliser les négociations sur la manière de procéder et pour
décider qu'ITER serait construit en France. Et en même temps, quand
on examine les discussions, tout le dossier de l'accord ne fait
guère plus de deux centimètres d'épaisseur. Que sept parties aient
réussi à se mettre d'accord pour fonder un nouveau laboratoire international
et que ce document ne fasse que quelque deux centimètres d'épaisseur,
c'est impressionnant.
Nous commençons maintenant la phase de construction - construction
de la machine, des bâtiments et des éléments du tokamak [chambre
en forme d'anneau (toroïdale) utilisée dans les recherches sur la
fusion pour chauffer le plasma et le contenir par des champs magnétiques.
Le terme tokamak est l'association de mots russes signifiant " chambre
toroïdale de bobines magnétiques "], puis installation et mise en
service du tokamak.
La phase d'exploitation, pendant laquelle seront menées les expériences,
couvrira les 25 à 30 années suivantes. Réacteur expérimental, ITER
n'atteindra pas sa vitesse de croisière le lendemain de sa mise
en service : les chercheurs devront apprendre à l'utiliser, quelles
sont ses spécificités, les problèmes qu'il pose, et ils devront
le pousser pour atteindre les objectifs fixés ou même les dépasser.
Ensuite commencera la phase de désaffectation ; un volet des phases
de construction et d'exploitation consiste à préparer la désaffectation.
J'ai dit tout à l'heure que les sous-produits de la fusion ne sont
pas très radioactifs, mais la chambre - l'endroit où se passe ce
processus - devient très radioactive. Elle devra être décontaminée
et démantelée d'une manière compatible avec la sécurité de l'environnement
comme n'importe quel autre produit radioactif. Cela fait partie
de la phase de désaffectation qui durera environ 5 ans.
- Pourquoi la coopération internationale est-elle tellement importante
pour ITER ?
Norbert Holtkamp
L'énergie est un problème qui touche tout le monde. Et si l'on prend
les sept parties au projet - l'Union européenne, la République de
Corée, l'Inde, la Chine, la Russie et les États-Unis - et si l'on
compte leurs habitants, on voit qu'ils représentent plus de la moitié
de la population du monde. Leur intérêt est clair et s'explique
facilement. De mon point de vue, la coopération scientifique s'explique
tout aussi facilement. Il y a des experts en fusion partout dans
le monde et, pour être couronnée de succès, la construction d'un
appareil aussi compliqué et d'une telle grandeur exige que l'on
fasse appel aux personnes les plus qualifiées. En outre, la coopération
internationale apporte un grand plus, parce que les individus de
cultures différentes ont des idées différentes et, dans un environnement
scientifiquement concurrentiel, cela permet de construire de meilleurs
appareils scientifiques.
- Que se passera-t-il à la fin du projet ITER ?
Norbert Holtkamp
Le programme de fusion est très vaste et très international. Certains
prévoient déjà qu'ITER va réussir et ils pensent à la prochaine
étape - un prototype commercial de réacteur à fusion nucléaire nommé
DEMO. Pour qu'on puisse le construire, il faut qu'ITER marche. Nous
devons atteindre nos objectifs scientifiques parce qu'alors nous
aurons montré que les concepts que nous avançons sont réalisables.
Je pense cependant qu'il faut toujours penser à l'avenir et aussi
que pendant les 25 à 30 années d'exploitation d'ITER nos connaissances
vont s'améliorer et s'accroître et que nous pourrons ainsi mieux
définir l'étape suivante.
© Département d'Etat US
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