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Les études exploratoires ont montré ce que les spécialistes savaient
déjà : en l'état de nos connaissances, les lanceurs réutilisables,
ou partiellement, sont un non sens économique et un véritable casse-tête
logistique.
Les études exploratoires menées par l'Agence spatiale européenne
dans cette direction n'aboutiront pas à la définition d'un lanceur
partiellement réutilisable ou réutilisable pour remplacer Ariane
5 à l'horizon 2025. Une réutilisabilité que n'envisage pas encore
Arianespace, l'opérateur de la famille Ariane, d'autant plus que
les lanceurs consommables font d'importants progrès.
Une fausse bonne idée
Selon nous, la réutilisation d'un étage est le type même de la fausse
bonne idée. Si certains spécialistes du secteur pensent qu'il y
a bien mieux à faire que de dépenser un lanceur 30 minutes après
son décollage pour mettre en orbite de transfert géostationnaire
seulement de 1 à 1,5 % de la masse au décollage, il faut savoir
que L'essentiel du coût d'un système spatial (hors coût développement)
est lié à celui des équipements (électronique, moteurs,...), de
leur intégration et surtout de la campagne de vérifications du système
qui accompagne cette intégration.
Les équipements sont qualifiés pour une durée de vie très courte. Prolonger leur durée de vie ne serait possible que pour certains d'entre eux et reviendrait souvent à les rendre plus chers et moins performants.
De plus la réutilisation de composants nécessite un accroissement des vérifications tant au niveau composant qu'au niveau du système global. Enfin, seule la réutilisation des composants structuraux peut être envisagée, or ceux-ci n'entrent que pour une part infime dans le coût d'un lanceur.
Sur le papier, l'utilisation d'un lanceur réutilisable à de quoi
séduire d'autant plus que sa fiabilité sera accrue grâce à la correction
progressive des défauts rencontrés sur le matériel au fur et à mesure
de son utilisation.
En attendant, tous les spécialistes s'accordent à dire qu'il est
trop tôt pour se lancer dans le développement d'étages réutilisable
capables de performances significatives. Les technologies nécessaires
pour ce type d'étage, sont partiellement assimilées, voire très
mal maitrisées. Quant aux lanceurs d'aujourd'hui, leur conception
ne permet pas d'envisager une réutilisation des matériaux. Notamment
ceux utilisés pour la protection thermique et la construction des
étages.
Des structures à la fois plus légères et plus résistantes seront nécessaires dans le futur.
L'exemple de la protection thermique
L'exemple de la protection thermique est révélateur des problèmes
qui se dressent devant les ingénieurs. Les protections thermiques
utilisées aujourd'hui ne sont absolument pas conçues pour être réutilisable.
On s'en rend bien compte avec la navette, le seul vaisseau spatial
réutilisable jamais construit par l'homme. Il est si abouti qu'il
nécessite plus de 4 mois de révision entre chaque lancement et le
remplacement de nombreuses tuiles ! L'effort à faire est tout simplement
considérable.
Casse tête logistique
La réutilisation d'un étage est un véritable casse-tête logistique et, partant de là, un non sens économique. Entre sa récupération, sur Terre ou en haute mer, la remise en état, sa certification pour le vol et son intégration au dernier étage du lanceur (celui qui supporte la charge utile), cela est plus long et plus cher que l'utilisation d'un étage consommable construit en une dizaine d'exemplaires chaque année.
A ces problèmes viennent se greffer de nouvelles contraintes induites
par la récupération de l'étage. Un étage qui retourne se poser après
sa mission pose le problème des éléments liés à la récupération
des étages, ailes, trains d'atterrissage, réacteurs secondaires
le cas échéant. Ils sont lourds et complexes et diminuent fortement
la performance des systèmes réutilisables.
Pour mieux comprendre ce casse tête logistique, l'exemple de la qualification de l'intérieur d'un booster est très explicite. Les propergols solides ou liquides sont à la base de la propulsion des lanceurs. Dans le cas d'un booster solide, de type EAP, les propergols se présentent sous la forme de pain en plusieurs morceaux qui sont séparés de la virole constituant l'enveloppe par une isolation thermique en caoutchouc synthétique.
Dès que l'étage a été récupéré, les opérations de nettoyage consisteront
à enlever le propergol qui n'a pas été brûlé ainsi que le caoutchouc
en question. Ce qui ne sera pas simple. Entre le décapage, le nettoyage,
la vérification de la structure et la préparation de la surface,
il apparait plus simple d'utiliser une structure neuve.
Quant aux contrôles sur un étage qui a déjà volé, ils seront beaucoup
plus poussés. Les ingénieurs devront s'assurer avant d'autoriser
le retour en vol de l'étage qu'il n'existe pas d'amorce d'érosion
et encore moins des fissures dans les soudures.
Note
Pour qu'un étage soit réutilisable, des coefficients de sécurité
plus généreux et des marges supplémentaires doivent être pris en
compte lors de la conception, au détriment des performances et de
l'intérêt économique du système.
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